Gérald Trump ?
En renvoyant dos à dos les organisateurs néofascistes d’une expédition punitive à Romans-sur-Isère et les jeunes gens qui ont riposté à cette attaque, le ministre de l’Intérieur copie un certain président des États-Unis, et suggère que les torts sont partagés.
Samedi 25 novembre 2023, plusieurs dizaines de jeunes extrémistes de droite encagoulés et (pour certains) armés se sont retrouvés à Romans-sur-Isère, près du quartier de la Monnaie – où vivent certains des suspects arrêtés après le meurtre, une semaine plus tôt, de Thomas, jeune homme de 16 ans poignardé à la sortie d’un bal de village à Crépol, dans la Drôme.
Ces activistes – parmi lesquels se trouvent plusieurs néonazis, admirateurs d’Adolf Hitler – étaient venus à la Monnaie pour « en découdre », selon la préfecture. Ils ont défilé en braillant : « Islam hors d’Europe ! » Ou : « La rue est à nous ! » Mauvaise pioche : comme le rapporte Libération, des jeunes du quartier se sont regroupés pour contre-attaquer, et la police, qui a procédé à quelques arrestations parmi les « patriotes », a, toujours selon Libé, retrouvé un militant d’extrême droite « fortement contusionné ».
Quelques heures plus tard, Gérald Darmanin a posté, sur X (ex-Twitter), le message suivant : « Les nombreuses forces de l’ordre que nous avons envoyées sur place ont interpellé 20 personnes à Romans-sur-Isère et, à ma demande, vont continuer à agir pour empêcher toute violence supplémentaire, d’où qu’elle vienne, et retrouver tous les auteurs d’actes inacceptables. »
Ne jamais oublier que, lorsqu’il offre ainsi une douceur discursive à l’extrême droite, c’est avec l’aval de l’Élysée.
Plutôt que de la dénoncer explicitement pour ce qu’elle est, le ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron (MDL’ID’EM) renvoie donc dos à dos, pour le plus grand bénéfice des premiers – dont la brutalité se trouve ainsi relativisée –, les organisateurs néofascistes d’une expédition punitive et les jeunes gens qui ont riposté à cette attaque.
Est-ce que cette communication ne nous rappellerait pas quelque chose ? Si fait : elle nous rappelle qu’au mois d’août 2017, plusieurs centaines de néonazis et de suprémacistes blancs, réunis à Charlottesville (Virginie, États-Unis d’Amérique) pour protester contre le déboulonnage programmé d’une statue équestre de Robert Lee, général en chef des armées sudistes pendant la guerre de Sécession, avaient participé à une retraite aux flambeaux durant laquelle ils avaient braillé : « Jews will
not replace us ! » (« Les Juifs ne nous remplaceront pas ! »)
Au lendemain de ce défilé, un néonazi avait tué une jeune femme en lançant sa voiture dans une contre-manifestation antifasciste. Et cinq jours plus tard, le 16 août, Donald Trump avait excrété, depuis sa tour de New York City, cet ahurissant commentaire : « Je pense qu’il y a des torts des deux côtés. » On l’aura compris : le MDL’ID’EM, lorsqu’il parle de « violence, d’où qu’elle vienne » après les événements de Romans-sur-Isère, suggère, lui aussi, selon un mode tout trumpien, que les torts sont partagés.
Mais il reste cette énorme différence, entre Trump et Darmanin, que le premier, en 2017, était président des États-Unis d’Amérique, et n’avait personne au-dessus de lui – quand le second, en 2023, reste en Macronie un sous-fifre : ne jamais oublier que, lorsqu’il offre ainsi une douceur discursive à l’extrême droite, c’est avec l’aval de l’Élysée.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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