« How to Have Sex », le sens mortifère de la fête
Le premier long métrage de la Britannique Molly Manning Walker est un remarquable film féministe et politique.
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How to Have Sex / Molly Manning Walker / 1 h 28.
Tara, Skye et Em, un trio de copines de 16 et 17 ans, débarquent sur l’île de Malia en Crète pour quelques jours de vacances, au terme de leur dernière année de lycée. L’heure est au défoulement, à la fête, et à une implacable mission que Tara (Mia McKenna-Bruce) s’est imposée : au bout du séjour, elle ne doit plus être vierge. Elles investissent le petit studio-hôtel qu’elles ont retenu, qui ne compte qu’un seul lit – ce ne sont pas des vacances d’enfants de riches, mais plutôt de la classe moyenne. Elles ne sont pas là pour flâner ou faire du tourisme : immédiatement, elles rejoignent l’endroit où « ça se passe », autrement dit où l’on s’éclate. Au programme : piscine, musique à plein tube, alcool à volonté et flirts.
Commerce de la déviance
L’Anglaise Molly Manning Walker, pour son premier long-métrage, aurait-elle signé un teen movie comme un autre ? Certainement pas. How to Have Sex n’a rien du carnet de bord des excès auxquels se livrent trois jeunes filles. Ou, plus exactement, elle ne les détache pas de l’environnement dans lequel Tara, Skye et Em sont immergées. Or le « village de vacances » où elles ont atterri est une véritable entreprise commerciale de la déviance : la consommation de drogue et d’alcool y est plus qu’encouragée, des jeux de nature pornographique y sont organisés. Rien d’illicite ni d’immoral, puisque justifié par l’impératif du divertissement. Voici comment le capitalisme travestit le sens de la fête.
Les trois amies sont prises dans cet engrenage du « plaisir » jusqu’à l’écœurement – mais cette overdose ne peut s’avouer à cause de la pression sociale. C’est cette même pression, en particulier les injonctions de Skye (Lara Peake), qui a imposé l’idée à Tara que rester vierge à 16 ans est un problème. Un garçon (Shaun Thomas), attentionné envers elle, l’attire. Mais, un moment déçue par lui, elle va se laisser faire par un autre au bout d’une nuit d’alcool et de fatigue.
La scène est filmée avec justesse. Au garçon qui lui demande son accord, elle répond un oui fragile alors que tout son corps dit non. Puis la caméra se focalise sur sa main qui agrippe une poignée de sable. Ce plan-là est d’une extraordinaire intelligence. How to Have Sex est un premier film remarquablement féministe et politique.