Après les massacres, quoi ?
Les bombardements israéliens à Gaza, en réponse aux attaques terroristes du Hamas, ont déjà causé la mort de 10 000 personnes. Les capitales occidentales commencent timidement à parler de « l’après » et déterrent la « solution à deux États ». Quel aveu !
dans l’hebdo N° 1783 Acheter ce numéro
Le meilleur peut-il sortir du pire ? Poser cette question aujourd’hui peut sembler indécent, tant nous sommes plongés dans le pire à Gaza et en Cisjordanie, et alors que les plaies sont encore vives de l’attaque du Hamas. C’est d’un cessez-le-feu immédiat dont les Gazaouis ont besoin, qui permettrait aussi un retour des otages. Le temps dans le territoire martyr de Gaza se mesure en vies anéanties et en corps mutilés. Nous en sommes, ce 9 novembre, à dix mille morts. Combien en faudra-t-il pour assouvir la soif de vengeance du gouvernement israélien ? Car c’est de cela qu’il s’agit. Comment croire à l’éradication du Hamas ? Comment imaginer que les jeunes générations de Palestiniens, qui auront vu mourir leurs parents, ne nourriront pas à leur tour un esprit de vengeance ? Il sera bien temps alors de disserter sur les concepts de résistance et de terrorisme.
Combien faudra-t-il de morts pour assouvir la soif de vengeance du gouvernement israélien ?
À moins que ne se réalise le rêve délirant de l’extrême droite israélienne de destruction de tout un peuple. Avec son option atomique, le ministre Amichai Eliyahu a sans doute dit tout haut ce que pense une bonne partie des amis de Netanyahou, comme Itamar Ben Gvir, le leader de son parti politique, qui continue de terroriser les villages de Cisjordanie. C’est au milieu de cette folle tourmente que les capitales occidentales commencent timidement à parler de « l’après ». En attendant, on déborde de byzantinisme pour ne pas appeler au cessez-le-feu : « pause tactique », « trêve humanitaire », les mots, pour le moins, ne sont pas à la hauteur du désastre.
Les fascistes israéliens, avec lesquels on prend tant de précautions, ne font que léguer à leur pays et à la région des décennies d’insécurité et de violence. Sans parler des ravages que les images produisent dans nos sociétés rongées par l’antisémitisme. On reparle donc à Washington et à Paris de « solution à deux États ». Quel aveu ! Tout ce qui a été enterré quand il était encore temps, par lâcheté ou par racisme, se dresse aujourd’hui devant les capitales occidentales comme un terrible reproche. Cette colonisation que l’on a laissée proliférer, ce blocus que l’on a toléré, ce racisme d’État, cet apartheid sur lesquels on a fermé les yeux, ce Netanyahou que l’on a reçu comme le représentant légitime des communautés juives, tout cela rend la solution infiniment difficile.
C’est donc dans les pires conditions qu’il va falloir maintenant penser l’avenir. On aimerait que la France soit la « Norvège » de cette initiative, en référence au processus d’Oslo. Mais avec Macron, Darmanin et Ciotti, il ne faut pas y compter. Il faudra donc une nouvelle fois se tourner du côté de Washington. En deux circonstances, avec le plan Rogers de 1970 et la conférence de Madrid parrainée par George Bush père, en 1991, les États-Unis ont eu des velléités de contraindre leur allié historique. Pourquoi pas cette fois ?
Il faut que la question palestinienne soit prise à bras-le-corps, et non de biais.
L’étrange caractéristique de ce conflit, c’est que les pressions des grandes puissances se sont toujours exercées sur le faible. C’est le colonisé qui a été constamment sommé de donner plus, jusqu’à être dépouillé de tout. C’est le fort qui a été aidé à milliards : 260 milliards de dollars versés à Israël par les États-Unis depuis 1948, et ça continue ! C’est avec cette logique qu’il faut désormais rompre. Exiger de la partie au conflit qui a quelque chose à donner qu’elle cède le terrain conquis par la force. Il faut que la question palestinienne soit prise à bras-le-corps, et non de biais, selon la stratégie des accords d’Abraham, cette « paix » avec des pays arabes avec lesquels Israël n’a jamais été en guerre, et auxquels on confie le soin de poser quelques conditions « palestiniennes ».
Hélas, quand on lit l’entretien de Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de Biden, on n’est guère rassuré (1). La question palestinienne n’y est toujours qu’un « volet » dans un processus de « normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite […] pour des bénéfices économiques et politiques au peuple palestinien ». Il s’agirait de « créer la possibilité de résultats significatifs pour les Palestiniens qui pourraient finir par préserver la solution à deux États ». Ouf ! La route est longue. Et combien de Netanyahou et de Hamas pour se mettre en travers ? Mieux vaudrait parler de décolonisation de la Cisjordanie, et de libération de Marwan Barghouti, pour rendre à l’Autorité palestinienne une réalité et une dignité, y compris afin qu’elle soit en mesure de gouverner Gaza.
Le Monde des 1er et 2 novembre.
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