La bataille du pacte de stabilité aura-t-elle lieu ?
La réforme du pacte de stabilité et de croissance arrive en débat au Parlement européen, pour une entrée en application en 2024. Au cœur du sujet : le frein budgétaire voulu par l’Allemagne.
dans l’hebdo N° 1783 Acheter ce numéro
La réforme du pacte de stabilité et de croissance (PSC) arrive en débat au Parlement européen. Suspendu depuis 2019 pour permettre aux États de faire face à la crise sanitaire, puis au choc inflationniste, le PSC entrera à nouveau en application en 2024. Entre-temps, la Commission a été mandatée pour préparer une réforme afin de tenir compte de la conjoncture de chaque pays et de permettre à chacun d’engager les dépenses nécessaires à la transition écologique.
Ses propositions, rendues publiques il y a un an, autorisaient enfin le recours aux politiques anticycliques, consistant à relancer l’économie par l’endettement en période de ralentissement et à réduire les déficits lorsque le plein-emploi est en vue. Bien qu’elles maintinssent la procédure en déficit excessif (PDE) et le principe de sanctions financières, elles octroyaient sept ans aux États souhaitant engager les dépenses nécessaires à la transition écologique et numérique pour revenir sous la barre d’un déficit public inférieur à 3 % du PIB. Elles excluaient, de surcroît, du calcul du déficit de moyen terme les dépenses d’assurance chômage et les charges de la dette. Enfin, une clause dérogatoire par pays, pour circonstances exceptionnelles, était créée.
Ces propositions furent jugées excessivement keynésiennes par le ministre libéral allemand des Finances, Christian Lindner, membre de la coalition au pouvoir outre-Rhin. Il obtenait de la Commission, en juin dernier, l’ajout d’un « frein budgétaire » (fiscal break) tuant dans l’œuf la réforme initialement proposée (et durcissant le PSC) : les déficits publics des pays en PDE devront en toutes circonstances être réduits de 0,5 % par an !
La proposition législative ainsi modifiée doit maintenant être débattue au Parlement européen (PE), qui, en tant que colégislateur, est en mesure de rétablir l’esprit de la réforme. Que nenni ! Ses deux corapporteuses – la conservatrice néerlandaise Esther de Lange (PPE) et la socialiste portugaise Margarida Marques (S&D) – ont intégré, dans leur projet de rapport, le principe du frein budgétaire, sans toutefois en préciser l’intensité (le chiffre de – 0,5 % n’étant pas mentionné). Le vote du texte, prévu en décembre, est toutefois incertain tant le sujet divise chaque groupe.
Le rapport du PE sera ensuite transmis au Conseil des ministres de l’UE, l’autre colégislateur, où son adoption devra recueillir la majorité qualifiée. Les voix de la France et des pays du Sud seront décisives. Alors que la France vient d’obtenir de l’Allemagne la possibilité de financer l’entretien de son parc nucléaire vieillissant dans le cadre de la réforme du marché de l’électricité, son ministre des Finances, Bruno Le Maire, se garde pour l’heure de nourrir la controverse du frein budgétaire. La France s’est même engagée, dans son programme de stabilité 2023-2027, à respecter une trajectoire de consolidation budgétaire parfaitement conforme à l’activation du frein, censée ramener son déficit public sous la barre des 3 % en 2027.
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