Les immigrés avec nous !

L’un des faits majeurs concernant l’immigration est sa forte hausse depuis 1999. Elle a ainsi dépassé les 300 000 personnes en 2022 (1). Pourquoi ? En raison d’une bonne nouvelle : la forte hausse du nombre de titres de séjour accordés à des étudiants. Pour la première fois, ces titres sont aussi nombreux que ceux pour motif dit « familial ».

Dans le domaine économique, que pensent les Français de l’immigration ? Difficile de le savoir. Ainsi, Pierre Bréchon, professeur à Sciences Po Grenoble, se réjouit du fait suivant : tandis que 61 % des Français, en 1990, se déclaraient favorables à une « préférence nationale à l’embauche », ils ne sont plus que 42 % aujourd’hui (2). Certes. Mais n’est-il pas incroyable de penser qu’une nette majorité de Français, il y a quarante ans, étaient en faveur d’une mesure illégale et portée par le seul Front national ?

On le sait, les immigrés, par définition derniers arrivés, se sont vu assigner les emplois dont personne ne voulait, la situation étant encore pire pour les femmes. Un grand merci à elles et à eux de construire nos logements, de garder nos enfants et de s’occuper de nos parents dépendants. Voilà une « justification » à l’immigration toute trouvée, mise en avant par de plus en plus d’employeurs, surtout dans les secteurs « en tension » comme l’hôtellerie-restauration.

Faisons mieux. Alors que la France enregistre un déficit abyssal de son commerce extérieur (53 milliards d’euros en 2022), réjouissons-nous de l’attrait nouveau de notre pays, où les études supérieures sont peu chères, pour la jeunesse du monde entier ! Mettons sur pied une diplomatie économique et culturelle en accueillant au mieux ces futurs cadres de pays asiatiques ou africains, qui sauront s’en souvenir. Et, pour cela, bâtissons de belles universités et distribuons des bourses à tous.

Utilisons le soi-disant « problème de l’immigration » pour mener des réformes qui profitent à tous.

Même chose dans le domaine du travail. La droite et le Medef pleurent face aux « pénuries de main-d’œuvre » ? Elles sont désespérées par l’« assistanat » ? Eh bien, rappelons-leur ceci : pour qu’une personne accepte un poste et qu’elle y reste, il faut qu’elle s’y sente bien. Elle sera productive parce qu’elle sera épanouie. Rendons enfin les lieux de travail sûrs et agréables (ce qui nécessite un renouveau de l’inspection du travail), et le chômage baissera enfin vraiment. Bref, je propose d’utiliser le « problème de l’immigration » pour mener des réformes qui profitent à tous. Les étudiants iront mieux, les salariés iront mieux, la France ira mieux. Et, cerise sur le loukoum, l’approche triste et sécuritaire de l’immigration, qui se nourrit du désespoir et de la frustration, reculera enfin dans le débat public.