Un jour d’infamie

On va essayer de l’écrire simplement, sans trop céder à la colère – ni au dégoût. Ce dimanche 12 novembre 2023, à 9 heures du matin, Élisabeth Borne, principale collaboratrice d’Emmanuel Macron, a posté sur X (ex-Twitter) un message annonçant qu’elle participerait, à Paris, l’après-midi même, à la « marche contre l’antisémitisme et pour la République » à laquelle Yaël Braun-Pivet, présidente macroniste de l’Assemblée nationale, avait appelé quelques jours plus tôt (1).

Dans ce message, la Première ministre a écrit, je cite : « Je marcherai tout à l’heure pour les valeurs de la République et contre l’antisémitisme, car ce combat est vital pour notre cohésion nationale. Les postures n’ont pas leur place dans ce moment grave. L’absence de La France insoumise parle d’elle-même. La présence du Rassemblement national ne trompe personne. » Madame Borne savait donc, lorsqu’elle a rédigé ce post, que le Rassemblement national (RN) participerait lui aussi à cette marche – où, de fait, l’extrême droite française a défilé au grand complet, puisqu’Éric Zemmour, plusieurs fois condamné pour provocation à la haine raciale ou religieuse et bientôt rejugé pour contestation de crime contre l’humanité, en était aussi.

Madame Borne, d’autre part, sait parfaitement ce qu’est le RN : au mois de mai 2023, elle avait, on se le rappelle, déclaré que ce parti était, selon elle, « héritier de Pétain » (2). Elle sait parfaitement que l’ex-Front national a notamment été cofondé par un ex-milicien et un ancien Waffen SS, et elle sait parfaitement qu’un ancien président de ce parti a été plusieurs fois condamné pour avoir tenu des propos antisémites ou négationnistes.

Puis enfin : Madame Borne sait parfaitement que c’est pour ne pas se prêter à l’épouvantable mascarade consistant à marcher contre l’antisémitisme avec un parti fondé notamment par des collaborateurs des nazis que les insoumis·es ont refusé de participer à la manifestation de ce 12 novembre. Mais cela n’empêche pas la Première ministre – qui n’en est donc plus à une manipulation près – de suggérer, lorsqu’elle écrit dans son post que « l’absence de La France insoumise » à ce défilé « parle d’elle-même », que cette absence serait le signe d’une complaisance pour l’antisémitisme. En acceptant, quant à elle, de participer à une marche présentée comme antiraciste et républicaine avec des partis d’extrême droite, elle a contribué à faire de ce dimanche – où le macronisme apparaît si nettement pour ce qu’il est – un jour de honte et d’infamie.