Marche contre l’antisémitisme : qui a vraiment lu la tribune de Larcher et Braun-Pivet ?
Il faut avoir lu la tribune, l’avoir lue vraiment, en entier, pour comprendre le malaise que suscite l’appel de Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet à manifester « pour la République et contre l’antisémitisme » dimanche. Et comprendre pourquoi ce qui devait être un événement rassembleur, historique même, ne peut l’être.
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« Hors de question de manifester contre l’antisémitisme avec des racistes » La marche contre l’antisémitisme vire à la crise de nerfs pour la MacroniePour qui n’avait pas lu la tribune, de plateaux en studios jusque dans les colonnes de nos journaux, l’appel semblait pourtant clair et limpide. Voire rassembleur. Tous unis contre l’antisémitisme. Ce seul mot d’ordre se suffisait (presque) à lui-même pour rassembler le plus grand nombre. Parce que c’est l’enjeu. Dans la période que nous traversons, notre solidarité en faveur des Français de confession juive doit s’exprimer de manière massive. Sauf que personne n’a lu la tribune du président Larcher (Sénat) et de la présidente Braun-Pivet (Assemblée nationale). La tribune réservée au Figaro, et qui n’est accessible qu’aux abonnés, raconte une histoire un peu plus complexe, et déséquilibrée. Quelques passages : « Les actes antisémites se multiplient (…). Notre laïcité doit être protégée, elle est un rempart contre l’islamisme (…). Nous, appelons dimanche à une marche pour la République et contre l’antisémitisme (…) ». Et d’ajouter : « Une marche pour la libération des otages. » On ne peut qu’être d’accord. D’accord s’il y avait une suite. Mais de suite il n’y aura pas.
Pour les auteurs, l’antisémitisme ne serait donc que le fait des islamistes. Ils épargnent l’extrême droite dont il n’est jamais fait mention.
Pour les auteurs, l’antisémitisme ne serait donc que le fait des islamistes. Ils épargnent l’extrême droite dont il n’est jamais fait mention. Pourquoi ? Pour permettre au Rassemblement national de ne pas se sentir exclu de l’initiative ? C’est une hypothèse. Pourtant, derrière la nouvelle bataille du RN contre l’antisémitisme se cache une réalité qu’il aurait été déterminant de rappeler dans la tribune : la haine des musulmans, le racisme anti-Arabes. Pourquoi ce mot n’est-il jamais utilisé dans la tribune ? Parce que ça aurait fâché le RN et qu’il n’aurait finalement pas pu se joindre à l’appel de dimanche ? La tribune fait le choix de (seulement) « dénoncer les porteurs de haine », sans jamais utiliser ce mot : racisme. Ce racisme qui se banalise et s’exprime de manière décomplexée. Quand on invoque la République, on marche sur ses deux jambes. Les Français de confession juive ont peur. Associés à la politique raciste de Netanyahou ou par pur antisémitisme, les menaces et agressions progressent. Les Français de confession musulmane ont peur. Associés au Hamas, les raccourcis fleurissent et les amalgames engendrent la haine. Ils doivent recevoir notre plein et entier soutien.
Dans cette tribune, il est demandé la libération des otages israéliens et français. Oui ! Toute manifestation doit être l’occasion de dire notre soutien en faveur de cette exigence. Et alors que les experts de plateaux, studios et journaux nous assurent qu’il ne s’agit que d’une initiative contre l’antisémitisme, et qu’en réalité il est fait mention du conflit au Proche-Orient, pourquoi la tribune ne s’émeut-elle à aucun moment du sort fait aux Gazaouis et aux Palestiniens de Cisjordanie ? En réalité, tout porte à croire que Braun-Pivet, en difficulté après l’affichage de son soutien « inconditionnel » à Israël, s’est laissée aller à l’improvisation. Elle crée d’ailleurs le malaise jusque dans ses propres rangs. Les députés Renaissance ont découvert l’initiative de leur collègue dans la presse. Macron lui-même semble être habité par ce malaise et hésiterait à rejoindre le cortège parisien tant il ne voudrait pas « apparaître pro israélien ou anti-arabe », souffle-t-on dans son entourage. Pourtant, ça n’est pas le sujet. Le sujet devait être celui de la lutte contre l’antisémitisme. Mais c’est Larcher et Braun-Pivet qui ont fait du sujet de la défense de l’État d’Israël l’un des sujets de la mobilisation, dimanche. En offrant, par la même occasion, une opération de blanchiment du passé antisémite du RN.
La gauche a été accusée de manifester aux côtés des islamistes le 18 novembre 2019 pour lutter contre l’islamophobie et le racisme anti-arabe. L’appel n’était pourtant lancé que par des organisations républicaines et aucune organisation terroriste ou islamiste n’avait appelé officiellement à s’y joindre. Et alors que le RN appelle officiellement à descendre dans la rue, ce dimanche, il suffirait cette fois de simplement se boucher le nez ? La gauche a défilé samedi dernier dans les rues de Paris pour la paix, en soutien aux Palestiniens. Il a été reproché à cette même gauche de ne pas avoir appelé à libérer les otages français et israéliens retenus par le Hamas, ce qui était un mensonge. À quelques marginales exceptions, la gauche y a largement brandi l’appel en faveur de la libération des otages. La gauche a tenu bon, sur ses deux jambes.
Alors que le RN appelle officiellement à descendre dans la rue, ce dimanche, il suffirait cette fois de simplement se boucher le nez ?
Pourquoi Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher essayent-ils d’emporter les Français sur la seule exigence de la libération des otages et la lutte contre l’antisémitisme, sans avoir parlé des Palestiniens et du racisme ? Pourquoi ce qu’on reproche (injustement) à la gauche n’est-il pas reproché à la droite, ici à la manœuvre ? Parce que l’on préférera retenir que l’arc républicain était présent ce dimanche, avec ses premiers dignes représentants de l’État. Et que l’on se réjouira même que l’extrême droite ait soi-disant changé et définitivement tourné la page d’un antisémitisme qu’elle ne semble toujours pas prête à reconnaître quand il s’agit des siens. Et parce que l’on préférera retenir que seule la France insoumise ne s’est pas jointe à la mobilisation. Une mobilisation qu’on qualifiera « d’historique ». En espérant que ça soit pour les bonnes raisons.
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