« Depuis 2020, nous avons vraiment changé de planète »
Loi anti-marchands de sommeil, logements sociaux, relations entre ville et métropole : Patrick Amico, adjoint au logement, défend son bilan depuis l’arrivée à la mairie du Printemps marseillais.
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Marseille en quête de réhabilitation Rénover l’hypercentre, un défi hyper centralLe maire Benoît Payan a déclaré, dans une tribune publiée par Le Monde le 4 novembre, son intention de porter une loi contre les marchands de sommeil. Quel serait son contenu ?
Patrick Amico : Il faut avoir en tête que la qualification de « marchand de sommeil » n’existe pas clairement aujourd’hui, aussi il est très difficile pour les juges de qualifier cette notion. Nous proposons donc un projet de loi qui apporte une définition claire en caractérisant le marchand de sommeil comme toute personne qui met à disposition, contre rémunération de service, un logement indécent, insalubre ou présentant des problèmes de sécurité. Cela fait référence à un droit constitutionnel : celui de pouvoir se loger de manière décente pour sa propre sécurité. La loi doit également alourdir les peines contre les marchands de sommeil et permettre plus facilement de saisir leurs biens, voire de leur interdire de racheter des logements pendant trente ans. Nous ne devons pas non plus épargner les professionnels, syndics ou administrateurs qui se rendent parfois complices, sans les déclarer, des marchands de sommeil.
Vous vous êtes fixé un objectif de 10 000 nouveaux logements d’ici à 2030. Vous paraît-il atteignable ?
Pourquoi ne le serait-il pas ? L’horizon de 2030 nous laisse tout de même sept ans. Aujourd’hui, nous sommes soumis à un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), voté en 2019, ultra-restrictif. Il ne permettrait au total que 3 000 à 3 200 logements en construction. Nous essayons de le modifier par tous les moyens dans le cadre des possibilités légales. Mais la production de la ville devrait être de l’ordre de 1 200 logements sociaux locatifs neufs par an. Aujourd’hui, nous sommes remontés au-dessus de la barre des 1 000 agréments par an, après être descendus à 600 / 650 en 2020 avec l’ancienne municipalité.
Le plan local d’urbanisme est une compétence de la métropole, et vous faites appel au législateur pour lutter contre les marchands de sommeil. À vous entendre, on a le sentiment que la ville de Marseille n’a pas de marge de manœuvre…
Notre marge de manœuvre consiste surtout à prendre en charge ce que la métropole devrait prendre en charge – ce qu’elle refuse encore. Lorsque nous avons repris la mairie, la politique du logement à la ville de Marseille faisait l’objet d’un demi-poste, non pourvu ! Tout avait basculé à la métropole, il ne se passait plus rien. On a seulement assisté à une panique absolue, consécutive au drame de la rue d’Aubagne, à des évacuations qui faisaient suite aux arrêtés de péril en série. Aujourd’hui, la direction du logement et de l’habitat indigne compte plus de 120 personnes. Nous avons donc changé de dimension. Nous constatons avec plaisir que la métropole nous suit sur les problématiques de logement, ce qui n’était pas forcément le cas au départ : elle ne discute pas du programme local de l’habitat (PLH) que nous avons proposé, et la tendance est, a priori, à la modification du PLUi.
D’ici combien de temps peut-on espérer un Marseille où il fera bon vivre ? À titre de comparaison, Paris avait mis environ dix ans pour régler le problème de l’insalubrité.
Il a fallu à Paris une dizaine d’années pour régler le problème de l’habitat indigne avec des moyens financiers colossaux dont ne dispose pas aujourd’hui Marseille – deuxième ville de France, mais où se pose sûrement le plus gros problème d’habitat indigne du pays. Ici, il nous faudra peut-être quinze à vingt ans, les problèmes ne seront pas résolus d’un coup de baguette magique. Tout a changé depuis 2020, même si cela ne se traduit pas aujourd’hui directement par des travaux livrés en ville et des habitants satisfaits partout. Nous savons qu’il y a des attentes, des impatiences, mais nous avons vraiment changé de planète : ça, je peux le garantir.
Le problème principal est d’arriver à conserver des populations dans des immeubles qui tiennent debout.
Dans cette perspective d’amélioration, comment préserver la mixité sociale à laquelle vous affirmez tenir, notamment dans le centre-ville ? Comment éviter une augmentation des prix et une potentielle gentrification ?
La gentrification est un faux débat pour moi. Ce peut être une réalité dans certains endroits, mais ce n’est pas le problème principal du centre-ville, aujourd’hui. Le problème principal est d’arriver à conserver des populations dans des immeubles qui tiennent debout, qui ne soient plus des passoires énergétiques, et dans des conditions de logement correctes. Nous combattons aussi ce scénario de gentrification au moyen de nos programmations : sur la première tranche de travaux et d’immeubles maîtrisés par la Spla-IN, nous allons réaliser 70 % de logements sociaux, en accord avec la métropole et l’État. Ça, c’est un moyen de lutter efficacement contre la gentrification.