Merci, Rodolphe Burger

Où notre chroniqueur décide de faire quelques pas loin de la glauquerie ambiante alimentée par M. Darmanin et de dire quelques mots d’un musicien prodigieux, à l’exquise politesse politique.

Sébastien Fontenelle  • 21 novembre 2023
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Merci, Rodolphe Burger
Sofiane Saidi, Mehdi Haddab et Rodolphe Burger, qui forment le trio Mademoiselle.
© Christophe Urbain

J’avais envie, pour une fois, dans cette chronique, de m’extraire un peu de l’ambiance générale, extraordinairement pesante – et pour tout dire ultra-plombante – dans laquelle nous sommes embourbé·es. Mais il m’a été suggéré de parler d’immigration – pour rester dans le ton d’un numéro intégralement dédié à ce thème.

Résultat : j’étais presque prêt à évoquer – encore une fois – le cas de M. Darmanin, ministre de l’Intérieur de M. Macron, dont les agissements comptent pour beaucoup dans la glauquerie ambiante, et qui, désormais, poste, chaque matin ou presque, sur X (ex-Twitter), des listes de « délinquants étrangers » qu’il se targue d’avoir expulsés – et pourquoi se gênerait-il, puisque sa chefferie, elle aussi décidée à descendre toujours plus bas dans la dégueulassisation (1) des esprits, le laisse faire ?

1

Ce mot n’est pas dans le dictionnaire. Mais il me semble qu’il résume assez bien ce qu’aura été, depuis son tout début, le macronisme.

Mais finalement : non. Finalement, j’ai décidé que ça serait une chronique sans darmanineries.

Adoncques : je vais plutôt dire ici quelques mots de Rodolphe Burger, musicien prodigieux – dont chacun·e peut aller réécouter sur internet l’extraordinaire reprise des « P’tits papiers » qu’il avait enregistrée en 1999, pour une compilation de soutien au Groupe d’information et de soutien des immigré·es (Gisti). Parce que son dernier concert parisien, jeudi 17 novembre, au Trianon, où il se produisait avec Mehdi Haddab et Sofiane Saidi, eux aussi magnifiques, a (encore) été un pur moment de grâce.

Parce que Burger, guitariste hors pair (l’un de ceux, rares, qu’on reconnaît au premier accord), tient toujours (et comme il l’a toujours fait depuis ses débuts avec Kat Onoma, groupe légendaire) sa ligne toute en élégance attentive – lorsqu’il chante « one, two, three, viva l’Algérie » – et en générosité – lorsqu’il s’efface pour laisser la scène à d’autres. 

Parce qu’il cultive, dans une époque brutale, et du haut de sa haute dégaine discrètement dégingandée, une exquise politesse, toujours très politique (2), et qui est presque, parfois, celle du désespoir, quand il demande par exemple : « Que sera votre vie quand la gauche essaiera de temps en temps la droite ? Que sera votre vie quand une heure durera de sept à huit minutes ? »

2

Profitons de l’occasion pour signaler que le camarade Didier Delinotte, fidèle (parmi les fidèles) lecteur et supporteur de Politis et auteur prolifique, a récemment publié, aux éditions Camion blanc, un très consistant ouvrage sur – c’est son titre – Les Politiques du rock. 800 pages, 38 euros : faites du bruit !

Parce qu’il nous offre en somme avec chacun de ses concerts électriques, et comme autant de répits – et de résiliences –, des havres d’intelligence et de beauté, et parce qu’enfin il est tellement rassurant de pouvoir encore écrire, dans les affreux temps que nous vivons, ce si joli mot : merci.

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Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 2 minutes
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