Avec Agnès Varda, rien ne se perd

Agnès Varda a tourné Les Glaneurs et la glaneuse en 2000. Un film qui résonne avec notre présent.

Christophe Kantcheff  • 22 novembre 2023 abonnés
Avec Agnès Varda, rien ne se perd
© Tamaris

Le film commence par des dictionnaires et des représentations picturales : Les Glaneuses de Millet, bien sûr. S’ensuivent des images de glaneurs sur des places de marché qui se hâtent avant leur nettoyage. Puis voici des champs de pommes de terre où l’on a rejeté celles qui ne sont pas au bon calibre pour être commercialisées. Parfois, il y en a près d’une tonne ! Des très pauvres, subsistant dans des caravanes au milieu de nulle part, y puisent quelques kilos. Agnès Varda a tourné Les Glaneurs et la glaneuse en 2000. Plus de vingt ans plus tard, il est toujours aussi pertinent – il y est d’ailleurs question des Restos du cœur, qui à l’époque n’étaient pas en crise face au nombre d’affamés.

L’esprit libre et non dénué de fantaisie de la cinéaste n’a pas non plus pris une ride. La glaneuse du titre, c’est elle, mot qu’il faut entendre dans le sens où Varda glane des images au gré de ses envies, de ses rencontres, de ses intuitions. C’est l’époque où les petites caméras se multiplient, elle utilise la sienne avec gourmandise, la prenant d’une main pour filmer l’autre se saisissant d’une patate en forme de cœur. Agnès Varda a élargi la notion de glanage pour y inclure le grappillage et surtout la récup. Deux avocats, l’un dans un champ de choux, l’autre à côté d’encombrants, justifient légalement ces activités. Des propriétaires de vignes (dont le psychanalyste Jean Laplanche !) expliquent dans quelles conditions ils laissent les gens glaner après les récoltes.

On suit dans les rues nocturnes un artiste qui récupère des objets pour les transformer en œuvres. Quelqu’un, se disant salarié, fait les poubelles par éthique anticonsumériste. Agnès Varda accumule les portraits, les situations, dans les villes, les campagnes, sur le bord de mer. Elle s’arrête plus longuement sur un homme qui s’alimente de fruits et de légumes après les marchés, vit dans un foyer Sonacotra, où il donne bénévolement des cours de français. Cette personne est celle qui l’a le plus impressionnée, dit-elle. À l’arrivée, on mesure la récolte de la cinéaste : elle est foisonnante !

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Cinéma
Publié dans le dossier
Manger à sa faim
Temps de lecture : 2 minutes