Étudier ou manger ? L’équation impossible
Pour les étudiant·es, se nourrir sainement et en quantité suffisante est de plus en plus compliqué. Entre hausse des prix et rythmes irréguliers, ils et elles sont nombreux·ses à dépendre d’une aide alimentaire.
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Derrière la faim, une odieuse injustice climatique Quand les cantines ont le ventre creux Avec Agnès Varda, rien ne se perd Glaner pour manger : la dure loi du marchéLa moitié des étudiant·es ont déjà dû sauter un repas, d’après une étude de l’association de distribution alimentaire COP1 et de l’Ifop. Avec des rythmes souvent décalés et face à l’inflation, les étudiant·es ont bien du mal à avoir une alimentation saine et suffisante. Politis est allé à la rencontre de cette jeunesse pour lui donner la parole. « Il m’arrive de plus en plus de voler quand je fais des courses », explique un étudiant contraint de renoncer à l’achat de bons produits. Pour s’adapter, les étudiant·es ne font pas que voler. Les paniers repas sont aussi de plus en plus demandés. Pour celles et ceux qui ne peuvent s’offrir le restaurant, les récupérations en fin de service permettent des petits plaisirs à moindre coût.
Pour une grande partie des jeunes, « il faut aussi se rabattre sur les paniers alimentaires des associations » comme COP1, qui réalise quatre distributions par semaine à Paris. Même au Crous, la situation n’est pas satisfaisante. Les repas pour les boursiers sont limités en qualité, mais aussi en quantité. Se voulant économiques, ces repas « ne suffisent pas ». Les étudiant·es doivent alors compléter en achetant par exemple un cookie ou une boisson sucrée, ou bien aller ailleurs. Dans tous les cas, le repas sera plus cher. Et pour nombre d’étudiant·es, « avoir des repas sains et suffisants devient de moins en moins possible ».
Khadija*, 24 ans, master en relations internationales
Les prénoms suivis d’une astérisque ont été modifiés.
« Le soir, chez moi, c’est surtout des pâtes », explique Khadija, qui ne déjeune presque jamais. Pour l’étudiante, qui a un job alimentaire le soir, « cuisiner prend trop de temps ». Le midi, « il y a trop de monde au Crous, donc je saute le repas ». Parfois, elle va en grande surface pour acheter un petit sandwich ou des carottes râpées, alors qu’elle est censée, étant boursière, avoir accès à un repas à 1 euro. Actuellement bénévole à Calais, elle mange gratuitement dans une association.
Valentin, 23 ans, master en transition écologique
« Il n’y a pas de place, je vais devoir manger dehors. » Protégé de la pluie par des arbres, Valentin mange seul sur un banc à la Sorbonne, alors que la cafétéria du Crous est pleine. Son repas aussi sera froid. Il y a trop de monde aux micro-ondes. Boursier, il profite du repas à 1 euro, une toute petite barquette de riz sec avec du poisson. Il faut dire que les repas à 1 euro ne sont ni copieux ni égalitaires. Pour les paninis, par exemple, le traditionnel 3-fromages est devenu un 2-fromages pour les boursiers !
Allison, 28 ans, doctorante en géographie sociale
Étudiante américaine, Allison habite chez une personne âgée. Sa thèse n’est pas financée et les cours qu’elle donne à la Sorbonne ne lui permettent pas de payer un loyer. Pour la nourriture, la jeune femme fait des concessions, mais s’autorise parfois des petits plaisirs, à la hauteur de ses moyens. Ce soir, elle est allée chercher un panier de récupération – trouvé grâce à la plate-forme TooGoodToGo, qui signale les commerces proposant des invendus à moindre prix – dans un restaurant libanais, pour passer un bon moment avec sa petite amie. « On ne sait pas ce qu’il y a dans le panier, mais au moins ça ne coûte pas cher. »
Valentin, 20 ans, master d’histoire
« Je suis un peu entre les deux. » Valentin fait partie des étudiants qui ne sont pas boursiers, mais de peu. Il n’a donc pas accès aux repas à 1 euro. Aujourd’hui, il mange debout avec deux amies. « On n’a que quinze minutes pour déjeuner, donc on fait comme on peut, parfois, on doit manger en cours. » Chez lui, le manque de temps se fait aussi ressentir, à cause de son travail alimentaire qui se termine parfois à 23 heures. Même si Valentin n’est pas dans la précarité, son rythme l’empêche de se nourrir correctement.
Mathilde*, 25 ans, master d’études politiques
Étudiante non boursière, Mathilde* est aidée par ses parents, qui lui donnent 300 euros par mois et paient son loyer. Avec ces 10 euros par jour pour vivre, elle ne se plaint pas et explique cuisiner le plus possible chez elle pour préparer ses repas en avance. « Je fais beaucoup de récupération à la fin des marchés, par exemple, pour avoir des légumes pas chers. » Le reste du temps, elle alterne entre supermarchés, magasins de producteurs, une application pour faire de la récupération et des repas préparés par ses parents.