Pour un moratoire sur le processus de démantèlement de Fret SNCF
TRIBUNE. Quatre députés LFI-Nupes, membres de la commission d’enquête parlementaire sur le fret ferroviaire, qui vient de rendre son rapport, s’opposent à la cession de 23 flux rentables au secteur privé.
Ce mercredi 20 décembre, la Commission d’enquête sur la libéralisation de Fret SNCF conduite à l’Assemblée nationale a rendu ses conclusions. Le constat est sans appel : la libéralisation s’est faite avec la complicité de Bruxelles et des gouvernements français néolibéraux successifs, sans stratégie nationale de transport logistique préalable. Les effets sont édifiants : un développement massif du transport routier aux dépens du fret ferroviaire, conjugué à un phénomène de dumping social du secteur en s’appuyant sur les transporteurs routiers des pays de l’Europe de l’Est.
Avec 10 % de la part modale du transport de marchandises contre 47 % en 1978, le fret ferroviaire est aujourd’hui le parent pauvre du transport de marchandises. Et ce alors même que l’urgence est à la décarbonation des transports, pour laquelle la France est grandement en retard comme le rapporte annuellement le Haut Conseil pour le Climat.
Un abandon de ces tronçons entraînerait entre 299 408 et 525 000 poids lourds supplémentaires sur les routes françaises chaque année
Et pourtant, le démantèlement du pôle public de fret ferroviaire est la priorité du Gouvernement avec son plan de discontinuité publié le 23 mai dernier, issu d’un travail commun avec la commission européenne depuis 2018. Ce démantèlement de Fret SNCF qui a pour vocation de céder les flux les plus rentables à la concurrence européenne n’est pourtant « ni nécessaire, ni proportionné et contraire aux principes généraux du droit de l’Union », affirme le rapport de la Commission d’enquête. L’Allemagne, dans une situation similaire avec la DB Cargo qu’elle subventionne, n’entreprend pas de plan similaire. Pire encore, c’est justement la DB qui se verrait récupérer des flux de Fret SNCF, tout en étant subventionné par l’Etat allemand.
Selon communiqué de presse publié le 20 décembre 2023 par l’Alliance écologique et sociale, les 23 flux dédiés sous le coup d’une cession au secteur privé représentent 47 % du total de marchandises transportées par Fret SNCF. Dans le cas d’une activité non rentable et d’un abandon de ces tronçons au profit du transport routier, cette décision entraînerait entre 299 408 et 525 000 poids lourds supplémentaires sur les routes françaises chaque année. En totale incohérence avec les objectifs climatiques, de pollution de l’air ou de réduction de la congestion.
Dès lors, les députés LFI-NUPES membres de la commission d’enquête sur le fret ferroviaire demandent de suivre la recommandation n°24 du rapporteur Wulfranc « fixant un moratoire sur le plan de discontinuité proposé par le gouvernement français afin de réviser le processus de démantèlement de Fret SNCF à la lumière des travaux de la commission d’enquête ». Ce moratoire est nécessaire pour les enjeux climatiques, stratégiques, de réindustrialisation du pays ainsi que pour le maintien des emplois des cheminots, dont l’expertise sera essentielle pour un renouveau du fret ferroviaire français.
Sylvain Carrière, député de l’Hérault
Hendrik Davi, député des Bouches du Rhône
Sylvie Ferrer, députée des Hautes-Pyrénées
Thomas Portes, député de Seine-Saint-Denis
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