Salauds de jeunes !
Obsédé par son modèle fondé sur le « mérite » et l’entreprise, Emmanuel Macron a produit une génération précarisée et sans filet de sécurité. Mais la jeunesse n’en reste pas moins déterminée à peser de tout son poids.
dans l’hebdo N° 1788-1791 Acheter ce numéro
« Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires. » Près de dix ans ont passé depuis cette déclaration d’Emmanuel Macron. Il était alors ministre de l’Économie. Désormais, il est président de la République, et les milliardaires se portent bien. Bien mieux même. Leur fortune a progressé de 59 % entre 2020 et 2022, selon une étude d’Oxfam France. Mais on peine à y trouver la jeunesse de France. L’hôte de l’Élysée a eu beau vendre son modèle autoentrepreneurial auprès des jeunes – et notamment ceux des quartiers populaires –, c’est une génération précarisée et sans filet de sécurité qu’Emmanuel Macron a produite.
Quand la jeunesse se mobilise, s’insurge, c’est par la répression que le gouvernement lui répond.
Devenir milliardaire ou trouver un job en traversant la rue : tout paraît si simple. Mais les faits sont têtus. Financer ses études, trouver un premier emploi ou un logement est un véritable casse-tête pour des millions de jeunes. Près de 30 % des 18-24 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Un chiffre qui monte à 40 % pour ceux qui sont étudiants ou vivent seuls. Beaucoup renoncent à se soigner. Combien ne mangent pas à leur faim ? Près de 20 % des bénéficiaires de l’aide alimentaire sont des jeunes.
Quelle politique publique en faveur de la jeunesse ou, plus exactement, quelle politique publique en faveur de l’autonomie de la jeunesse ? Aucune. Parce que Macron croit au mérite. À la volonté de chacun. Et celui qui ne parvient pas, à la force de l’âge, à faire du fric ou de brillantes études, c’est qu’« il n’est rien ». Parce qu’« il y a les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Avec ce parti pris macronien, les inégalités s’envolent.
Et ça commence dès le plus jeune âge. Les dernières annonces du ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, ne vont rien arranger. Elles vont tout aggraver. Sous Macron, les moyens de l’État ne servent plus à redistribuer les cartes en faveur des plus pauvres – ni capital scolaire, ni capital culturel, ni capital économique – et sont utilisés pour conforter ceux des plus riches. Ça n’est plus l’État social. C’est l’État néolibéral. Et quand la jeunesse se mobilise, s’insurge, se révolte, comme lors des mobilisations contre les projets antiécologiques, les réformes antisociales ou les violences policières, c’est par la répression, celle des forces de police et de gendarmerie, que le gouvernement lui répond. La face à peine voilée de l’État autoritaire.
La jeunesse fait preuve d’une incroyable créativité. Encore faut-il savoir l’écouter. Et mieux : l’entendre !
Mais alors que la jeunesse paie cher l’absence de politique publique, sans doute plus encore après la période de covid et les confinements successifs, elle n’en reste pas moins déterminée à peser de tout son poids. En milieu rural et urbain, avec ou sans papiers, avec ou sans diplôme, avec ou sans logement, on la retrouve engagée, mobilisée, sur tous les fronts. À mille lieues des préjugés qui la disent individualiste, violente et non politisée. Cette jeunesse dont le niveau (d’on ne sait quoi d’ailleurs, juste parce que « c’était mieux avant ») baisserait de manière continue, alors qu’elle s’informe et lit plus qu’autrefois – même si les pratiques ne sont pas les mêmes –, et qu’elle cumule plus de connaissances que ses aînés.
Voilà au contraire une jeunesse prête à bousculer les générations qui l’ont précédée. Et c’est tant mieux. Sur les questions de genre, de sexualité, d’écologie, de croyances, de discriminations et de racisme, mais aussi sur les violences policières, les injustices et les dérives liberticides. Que l’engagement soit d’ordre artistique, politique, syndical, associatif, intellectuel, la jeunesse fait preuve d’une incroyable créativité. Encore faut-il savoir l’écouter. Et mieux : l’entendre !
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