À Alfortville, après deux ans de grève, la lutte des sans-papiers de Chronopost continue
Depuis 2 ans, ces travailleurs sont en grève pour obtenir leur régularisation. Recrutés illégalement avec des conditions de travail dangereuses, ces exploités modernes ne bénéficient d’aucun droit.
Le 7 décembre 2021, un piquet de grève est installé devant le Chronopost d’Alfortville par 18 travailleurs sans papiers, qui, de jour comme de nuit, vivent dans des tentes devant l’entrepôt. Leur revendication ? Obtenir une régularisation et de meilleures conditions de travail. Rapidement, ils sont rejoints par 200 autres camarades. La mobilisation grandit au point de devenir un symbole emblématique dans la lutte des travailleurs sans papiers.
Le piquet de grève s’impose alors comme un lieu autour duquel les gens en situation irrégulière et les syndicats s’organisent. Aboubacar Dembele, porte-parole des « Chronopost », décrit la solidarité ambiante qui y règne : « La vie sur le piquet marche bien. On manifeste tous ensemble et on organise des réunions de stratégie. Même avec ce froid, on dort et on mange devant le dépôt. La mairie d’Alfortville, les syndicats et les élus nous soutiennent dans la grève et poussent nos dossiers. »
Entreprises en cascade
« Sans autorisation de travail et de situation régulière, on est obligés de faire des métiers difficiles. En moins de 45 minutes, il faut charger et décharger tous les colis du camion. Si tu ne suis pas la cadence infernale des machines, le chef te hurle dessus », se rappelle Aboubacar Dembele. À l’époque, pour un travail à temps partiel, il gagnait entre 600 et 800 euros mensuels. L’agence d’intérim Derichebourg les faisait travailler en pleine nuit chez Chronopost. « Si nous refusions une mission, notre contrat n’était pas renouvelé pour la semaine d’après. Elle nous faisait du chantage », dénonce-t-il.
Si nous refusions une mission, notre contrat n’était pas renouvelé pour la semaine d’après.
A. Dembele
Derrière ces entreprises en cascade se cache un système d’exploitation presque invisible. Avec, au sommet de la pyramide, l’État détenant 100 % des capitaux de la Poste. Via l’agence Derichebourg, cette dernière a recruté illégalement des travailleurs sans papiers sous de fausses identités. « Ils ont intérêt à nous garder en situation irrégulière. L’employeur refuse de nous fournir nos certificats de concordance, sans lesquels, la demande de régularisation est impossible. Il dit que nous n’avons jamais travaillé pour lui ! »
La Poste condamnée
Au fait de cette situation, la préfecture du Val-de-Marne avait promis « d’examiner les dossiers avec bienveillance ». Sur 32 demandes depuis cet été, 11 personnes ont été régularisées, dont un gréviste de Chronopost. Pour les autres, « le lien de travail n’a pas pu être vérifié ». La préfecture demande finalement les pièces manquantes que refuse de donner l’employeur. D’après Aboubacar Dembele, « les preuves ne manquent pas, malgré les vidéos et les photos des collègues dans les dépôts la préfecture ferme les yeux ».
Le 5 décembre marque une victoire pour les travailleurs sans papiers. La Poste est condamnée pour manquement à son devoir de vigilance. « La Poste a connaissance du problème mais fait mine de ne pas être au courant et renvoie la responsabilité à ses sous-traitants ». Pourtant, aux yeux de la loi, cette dernière est obligée d’établir un plan de vigilance pour « identifier les risques et prévenir des atteintes graves envers les droits humains […] dans ses filiales » et chez ses sous-traitants.
Depuis le 24 novembre, la préfecture a annoncé qu’elle allait délivrer 3 cartes supplémentaires. « Mais nous n’avons rien reçu », déplore Aboubacar. De leur côté, chaque semaine, les sans-papiers défilent encore dans les rues avec panache dans l’espoir d’une régularisation prochaine.
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