Désamorcer les bombes carbone 

Les grandes banques internationales, dont les françaises, financent massivement l’exploitation et la prospection de ces installations fossiles. Il est urgent que la régulation du système financier repose sur des règles contraignantes.

Dominique Plihon  • 17 janvier 2024
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Désamorcer les bombes carbone 
© Jas Min / Unsplash

Aux quatre coins de la planète, 422 « bombes carbone » menacent les chances pour l’humanité de contenir le dérèglement climatique dans des limites vivables. Ces sites d’exploitation d’énergies fossiles contiennent les plus grosses réserves de charbon, de pétrole et de gaz connues à l’échelle mondiale. Les 294 bombes carbone actuellement en exploitation ont un potentiel d’émissions conjoint de 880 gigatonnes de CO2 : de quoi épuiser le « budget carbone » restant à l’humanité pour contenir la hausse des températures mondiales sous la barre de 1,5 °C.

L’action citoyenne a un rôle stratégique à jouer pour faire pression sur les banques et les autorités publiques.

Mais la situation pourrait encore empirer, car 128 autres bombes carbone sont à l’état de projet. Les grandes banques internationales financent massivement l’exploitation et la prospection de ces installations fossiles. En 2022, elles ont alloué plus de 151 milliards d’euros aux entreprises – dont TotalEnergies est l’une des plus importantes – développant ces sites d’extraction de ressources fossiles (1).

Les banques françaises figurent parmi les principaux financeurs internationaux. D’après Oxfam, en un an, les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement des six principales banques françaises – BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale, BPCE, La Banque postale et Crédit mutuel – ont ainsi atteint plus de 3,3 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 7,9 fois les émissions de la France (2).

Face à ces bombes carbone, les États ont une double responsabilité. D’abord, en délivrant les licences d’exploitation des gisements fossiles et en subventionnant les entreprises qui portent les projets d’extraction. En second lieu, en ne jouant pas leur rôle de régulation des banques pour les amener à stopper le financement des bombes carbone. Le 1er octobre 2020, Bruno Le Maire lui-même, ministre de l’Économie et des Finances, actait les limites de sa propre politique basée sur les engagements volontaires des banques : « Sur la question de la finance verte, je ne suis pas satisfait des résultats, je pense que les banques doivent pouvoir faire mieux. »

La régulation du système financier doit reposer sur des règles contraignantes et non sur la bonne volonté des banques. Parmi les mesures urgentes à prendre, les banques devraient être astreintes à mettre en œuvre un plan pluriannuel de décarbonation de leurs activités de financement, sous peine de sanction financière. L’action citoyenne a un rôle stratégique à jouer pour faire pression sur les banques et les autorités publiques. On doit saluer à cet égard l’initiative des 1 240 étudiants français de plusieurs universités et grandes écoles qui ont écrit, en novembre 2023, une lettre ouverte où ils expliquent ne plus vouloir travailler pour BNP Paribas tant que celle-ci continuera de financer les énergies fossiles.

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