« Funky Donkey », une combustion collective
Un concert mythique du saxophoniste Luther Thomas en 1973 avec son Human Arts Ensemble.
dans l’hebdo N° 1792 Acheter ce numéro
Funky Donkey vol. 1 / Luther Thomas Human Arts Ensemble / We Want Sound
Voici une réédition uniquement disponible en vinyle particulièrement bienvenue, notamment au vu de la cote que l’original avait fini par atteindre dans ce format. C’est l’enregistrement, en 1973, dans une église de Saint-Louis, dans le Missouri, d’un concert du Human Arts Ensemble mené par le saxophoniste alto Luther Thomas, au sein duquel on trouvait pour l’occasion le trompettiste Lester Bowie, par ailleurs membre éminent de l’Art Ensemble of Chicago – qui dans cette formation colorée se distinguait par le port systématique d’une simple blouse blanche –, et son frère Joseph au trombone.
La présence de Lester Bowie est symbolique du projet de Luther Thomas, qui fondera plus tard le groupe Defunkt, alliant jazz, funk et rock, et jouera même au sein des Contorsions de James Chance. On peut donc considérer la musique présente sur ce disque, au moment où des groupes comme Earth, Wind and Fire ou Kool and the Gang commencent à s’imposer, comme l’expérimentation d’une formule qui fait le lien entre free-jazz et funk.
Art de l’instant, de l’espace et du temps
Ce qui s’entend particulièrement sur le morceau « Funky Donkey », qui donne son titre à l’album, occupant toute la première face. À cet égard, il faut souligner l’importance d’un musicien moins connu mais fondamental dans la fusion évoquée, le guitariste Marvin Horne, dont le jeu d’une électricité râpeuse et saccadée, secondé par une section rythmique puissante et ample, tisse une trame aussi dense que dansante, offrant une piste de décollage idéale pour les cuivres libres de jeter leurs éclats acérés.
Un art de l’instant et de la combustion collective. Un art aussi de l’espace et du temps symbolisé par la durée des compositions. Une seule également se déploie sur la deuxième face, « Una New York », dans un genre plus lyrique et avec une touche latino que laisse deviner son nom, qui permet au saxophone de Luther Thomas de déployer toute la chaleur de son jeu, entraînant l’ensemble de la troupe dans une farandole sonore qui chemine pendant pas moins de 18 minutes.
Publié en 1977, cet enregistrement a fait l’objet d’une première réédition en 2001 dans une version CD qui comportait une troisième très longue composition de 26 minutes. Peut-on s’attendre à la voir paraître dans un volume 2 ?