Iran : le terrorisme n’est pas un signe de force, mais de barbarie
TRIBUNE. Hamid Enayat, politologue et spécialiste de l’Iran, proche du Conseil national de la résistance iranienne, souligne à quel point Ali Khamenei, le guide suprême iranien, a besoin des prochaines élections parlementaires, espérant qu’elles puissent apaiser les conflits au sommet d’un régime en crise.
Dans son récent discours sur les prochaines élections parlementaires, Ali Khamenei, le guide suprême iranien, a affirmé que l’éloignement du peuple de la scène politique était une stratégie des ennemis de la Révolution islamique. Aujourd’hui plus que jamais, Khamenei a besoin de ces élections. Ses appels au peuple pour qu’ils participent au vote ne visent pas uniquement à présenter une façade populaire, ni même à réconcilier les deux factions du régime, telles que les prétendus réformistes et conservateurs, mais surtout à regrouper les mêmes factions qui sont actuellement au pouvoir et qui ont été « purifiées » après l’arrivée d’Ebrahim Raïssi à la présidence du pays, grâce au filtre de Khamenei.
L’agitation sociale actuelle, qui semble annoncer un soulèvement encore plus grand, a engendré des luttes internes entre différentes factions du régime. Toutefois, Khamenei espère que ces élections pourront contribuer à apaiser ces conflits au sommet du régime. Ce contexte se déroule alors qu’il poursuit le processus de « purification » pour résister aux assauts croissants de l’insurrection. Même certains membres actuels du parlement ont été disqualifiés pour les prochaines élections.
La hausse sans précédent des exécutions en 2023, avec une augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente, témoigne de la peur grandissante du régime des mollahs face à un soulèvement imminent. Dans le même discours, Khamenei s’est interrogé : « Pourquoi le respect dû à un grand commandant de l’Iran et de la région, le martyr Soleimani, serait-il remis en question ? », en critiquant un jeune homme qui a déchiré la photo de Soleimani (tué en Irak dans une frappe de drone américaine en 2020) devant des millions de spectateurs.
Khamenei a explicitement reconnu la présence de milliers de jeunes actifs au sein des unités de résistance, l’incitant à se lancer dans une aventure massive, marquée par de vastes massacres. Ces unités de résistance ont mené plus de 400 opérations contre les remparts oppressants du régime en une semaine, et leur nombre et leur efficacité ne cessent d’augmenter. Khamenei est conscient qu’une étincelle peut déclencher un volcan, et les unités de résistance mènent ce mouvement vers un changement significatif.
Khamenei est conscient qu’une étincelle peut déclencher un volcan
Issu des dogmes religieux médiévaux, le régime des mollahs n’a jamais réussi à s’implanter dans la société iranienne jeune, moderne et éduquée, et a dès le départ fait face à une crise de légitimité, se tournant ainsi vers la répression. La guerre et le terrorisme ont servi de couverture à une oppression intérieure sans précédent. Cette stratégie a été et demeure celle de la survie du régime iranien. Le conflit actuel au Moyen-Orient s’inscrit également dans cette stratégie.
On peut se demander si Khamenei était pleinement conscient des dangers de cette incitation et s’il savait que l’attaque du Hamas contre Israël pourrait se retourner contre lui. La réponse n’est pas claire, mais avait-il vraiment d’autre choix ? Il devait opter entre le moindre de deux maux : une chute inévitable ou une chance de survie. Bien que le régime ait été jusqu’à présent le gagnant de ce jeu mortel, il sera indubitablement touché par cette guerre. Avec son incitation et son attaque contre le plus proche allié de l’Amérique, ayant déclenché une guerre étendue, le régime iranien pourra-t-il échapper aux conséquences ? Cela semble très improbable pour des raisons géopolitiques, car cette guerre n’est plus limitée au Moyen-Orient.
Ce régime est incompatible et incohérent avec la civilisation moderne.
Il est naïf de croire que les aventures de ce régime dans la région, telles que la déstabilisation des voies navigables internationales, sont un signe de sa force. Ce régime est incompatible et incohérent avec la civilisation moderne. À l’instar de bandes de voyous et de brigands dans l’ère féodale, ce régime cherche, par le terrorisme et la guerre, à renforcer le moral de ses troupes tout en extorquant les autres. Ce n’est pas un signe de force, mais plutôt de régression. Comment décrire comme puissant un régime qui ne tolère pas un vieillard chantant et dansant dans les rues pour la joie des gens et l’arrête ?
Cette fausse puissance est à la base de la politique d’apaisement envers ce régime brutal, entraînant les souffrances actuelles des habitants de Gaza et des Juifs innocents. Le terrorisme et le soutien aux groupes paramilitaires aux dépens de la pauvreté d’une nation dans un pays riche comme l’Iran ne sont pas des signes de force dans aucune équation géopolitique, mais simplement des indicateurs de barbarie.
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