La droite contre le droit
Le Conseil constitutionnel a censuré partiellement l’immonde loi immigration. L’extrême droite et une partie de la droite dénoncent le coup « de force » ou « d’État » des juges. La démocratie est désormais dans le viseur : nous voilà prévenus.
dans l’hebdo N° 1795 Acheter ce numéro
Pour faire passer une loi dégueulasse, c’est tout simple : tu demandes à tes complices d’extrême droite – le Rassemblement national de Jordan Bardella et Les Républicains d’Éric Ciotti et Laurent Wauquiez – de rajouter dans ton texte des mesures spécialement odieuses, dont tu proclames ensuite qu’elles seront de toute façon retoquées par le Conseil constitutionnel – qui se trouve ainsi réduit à une fonction quelque peu dégradante d’auxiliaire du régime, mais pourquoi se gêner ?
C’est ce que viennent de faire les macronistes avec leur immonde loi sur l’immigration, énième du nom, dont la presse et les médias comme il faut n’ont pas manqué de claironner qu’elle avait été, la semaine dernière, considérablement amendée par « les Sages » (sic) dudit conseil – alors que l’information principale était bien sûr que ces respectables gardiens de la Constitution ont globalement validé cette saloperie.
Pour l’extrême droite, cependant, cette censure de quelques articles particulièrement dégoûtants était encore trop. Bardella a donc dénoncé un « coup de force des juges (1) », cependant que Wauquiez – le LR assisté qui préside la région Auvergne-Rhône-Alpes et dont la gestion des deniers publics fait aujourd’hui l’objet de deux enquêtes judiciaires – a quant à lui fustigé un « coup d’État de droit ».
Chez les fafs, cette pulsion est déjà ancienne : en 1997, Éric Zemmour, qui servait alors au Figaro, avait par exemple publié, chez Grasset, pour protester contre l’instruction d’innombrables scandales politico-financiers impliquant principalement Les Républicains de l’époque – aka le RPR –, un burlesque livre dénonçant, c’était son titre, « le coup d’État des juges ».
Lorsqu’on l’étudie d’un peu près, on constate, assez vitement, que cette dernière expression, bien dans la manière de son auteur, ne veut strictement rien dire – le gars s’est manifestement dit qu’il allait faire une espèce de misérable bon mot, à même de flatter dans ses petites clientèles électorales quelques instincts répugnants. Mais elle a du moins le mérite de mettre en lumière un imaginaire qui n’est pas sans rappeler, par exemple, celui de Donald J. Trump – lequel, de l’autre côté de l’Atlantique (2), se répand quotidiennement en imprécations et menaces contre « les juges » garants du respect de la Constitution états-unienne.
Avoue que toi aussi, tu aimes ces bons vieux clichés journalistiques…
Ici comme là-bas, en effet, c’est bien avec l’État de droit, garant notamment de l’égalité de tou·tes devant la loi et de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, que l’extrême droite veut en finir.
Elle ne s’en cache d’ailleurs plus guère – ce qui signifie, pour le dire autrement, qu’elle ne se donne même plus la peine, pendant que sa branche israélienne dynamite à Gaza les derniers vestiges du droit international, de dissimuler son intention d’abolir la démocratie, telle qu’elle se pratique actuellement sous nos latitudes du moins. Nous ne pourrons pas nous plaindre de ne pas avoir été dûment prévenus de ce dessein totalitaire.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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