La « nation de devoirs » contre l’État de droit
Prisca Thévenot, secrétaire d’État à la Jeunesse et au SNU du dernier gouvernement Borne, a fait sur CNews (5 janvier) cette inquiétante déclaration : « Défendre l’État de droit, c’est ne pas oublier que nous sommes dans une nation de devoirs. Et le sens du devoir n’est pas inné. Il s’apprend, il se développe, il s’entretient. Eh oui le SNU notamment, le service national universel, permet cela… » Et notamment d’« apprendre le rapport à l’autorité ». Comme plusieurs juristes l’ont souligné, la sous-ministre mérite un 0/20 en droit constit’ et droit public.
Notre État de droit est en effet un régime caractérisé par des mécanismes de protection du citoyen à l’égard de la puissance publique, laquelle est contrainte au respect de la Constitution et plus largement d’un bloc de constitutionnalité. Celui-ci définit, avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, des droits fondamentaux qualifiés de « naturels, inaliénables » et « imprescriptibles », c’est-à-dire non soumis à des devoirs. À ces droits s’ajoutent, singulièrement depuis le Préambule de la Constitution de 1946 – à valeur constitutionnelle depuis 1971 –, des droits-créances. Comprendre des droits que l’État doit à chacun : droit à l’instruction, droit au travail, droit d’asile, droit de grève, droit à la santé, etc.
Dans une « nation de devoirs » en revanche, l’individu est soumis à des impératifs décidés par un pouvoir arbitraire. C’est le contraire de l’État de droit, et s’en réclamer dénote un terrible affaissement de la culture républicaine. Gardons-nous toutefois de conclure à la nullité personnelle de Mme Thévenot. En bonne petite soldate, elle ne fait que réciter le fond de sauce idéologique du macronisme. À plusieurs reprises avant elle, Emmanuel Macron a montré qu’il entendait subordonner les droits aux devoirs.
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