« Laisse le flingue, prends les cannolis » : une série d’embûches
Mark Seal retrace avec beaucoup de détails l’épopée du Parrain de Coppola.
dans l’hebdo N° 1792 Acheter ce numéro
Laisse le flingue, prends les cannolis. Le Parrain, l’épopée du chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola / Mark Seal / Traduit de l’anglais par François Raison / Capricci, 445 pages, 28 euros.
En 1972, le Los Angeles Times publie un article intitulé : « Conseil pour faire la queue devant Le Parrain ». Partout dans le monde, le film de Francis Coppola est un succès, et le journal conseille à ses lecteurs de privilégier les séances du matin. Un mois après sa sortie, Le Parrain engrange encore un million de dollars de recette par jour. Pourtant, le film n’était pas promis à une telle réussite. Écriture du scénario et tournage chaotiques, il a longtemps été pressenti comme une catastrophe, œuvre d’amateurs impulsifs, faisant pâlir les producteurs. Dans Laisse le flingue, prends les cannolis, référence à l’une des répliques du film, Mark Seal revient sur cette épopée. En suivant la chronologie, il retrace les innombrables embûches qui ont rythmé la production, le tournage et la postproduction du Parrain.
Sous la plume de Mark Seal, l’épopée débute avec un écrivain dépressif : Mario Puzo. Employé d’un éditeur pour lequel il rédige des histoires accrocheuses, Puzo s’est mis dans la tête d’écrire un « livre sur la mafia » pour lequel il effectue des recherches profitant de son addiction aux jeux. Boudé par les éditeurs puis adoubé, Le Parrain vient combler ses dettes au-delà de ses espérances. Le roman intéresse alors Paramount, un studio de cinéma en chute libre.
Angoisses et coups de sang
Après moult hésitations, la tâche de réaliser le film revient à un jeune réalisateur que l’on pense manipulable, Francis Coppola, et qui, chemin faisant, parviendra toutefois à imposer chacun de ses choix. Coppola obtient que Marlon Brando incarne le parrain, Don Corleone. Il parvient à s’assurer que le reste du casting soit composé de ses premiers choix : James Caan, Robert Duvall, Diane Keaton et Al Pacino, et que Nino Rota signe la musique. Pour la mise en scène, il réussit à imposer sa patte : un film classique mais où chaque plan est un tableau dont les personnages rentrent et sortent et dont les lumières jouent avec l’obscurité.
Au fil du texte, Mark Seal raconte dans leurs moindres détails les conflits, l’angoisse de Coppola et ses coups de sang. Il évoque aussi les négociations auxquelles les producteurs ont dû s’adonner avec la mafia locale. On en apprend beaucoup, on sourit souvent, mais on se prend aussi parfois à rêver d’une analyse plus approfondie. Que nous dit le tournage du Parrain de l’histoire des États-Unis, de New York ou d’Hollywood ? Que nous apprend le film sur la patte stylistique de son créateur ? Quels sont les processus qui permirent à Coppola, selon ses propres termes, de « transformer une histoire en œuvre d’art » ?