Le gouvernement Attal, une chance pour la gauche

Le gouvernement Attal n’est pas plus à droite que celui d’Élisabeth Borne, mais il déniaise les naïfs. La politique de classe assumée par Macron a au moins l’avantage de créer les conditions objectives d’un retour de la gauche.

Denis Sieffert  • 16 janvier 2024
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Le gouvernement Attal, une chance pour la gauche
Une réunion de campagne de la Nupes à Caen, le 8 juin 2022, avant les élections législatives.
© Sameer Al-DOUMY / AFP

Les libéraux parleraient d’une étude de marché. Mais c’est un fait : le déplacement de la « Macronie » vers la droite libère potentiellement un vaste espace à gauche. Hélas, le mot important est « potentiellement ». Car encore faudrait-il que l’offre existe, qu’elle soit crédible et attractive, c’est-à-dire unitaire et démocratique. Et ce n’est pas gagné ! Mais la place est à prendre. Le remaniement souligne spectaculairement cette évidence. Au fond, rien de neuf. Juste un aveu. Le gouvernement Attal n’est pas plus à droite que celui d’Élisabeth Borne, mais il déniaise les naïfs. Tous ceux qui faisaient illusion dans l’équipe précédente mais qui ont eu des états d’âme à propos de la loi « immigration » ont été virés ou relégués. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a été débarquée pour avoir osé contredire Emmanuel Macron dans l’affaire Depardieu.

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Les dossiers qui touchent au plus près la vie des gens, la santé, le logement n’ont plus de ministères de plein exercice ou sont confiés aux plus droitiers, comme la sarkozyste Catherine Vautrin. L’Éducation nationale échoit à une ancienne directrice générale de la Fédération française de tennis. Laquelle s’est illustrée, au premier jour, par un dénigrement de l’école publique, au prix d’un gros mensonge. Bref, c’est le gouvernement du mépris de classe. Les Français font de la figuration dans cette architecture où n’existent que les jeux de pouvoir. L’arrivée de Rachida Dati à la Culture en est évidemment le symbole le plus grossier. Le pouvoir, le vrai, est grosso modo entre les mains de trois hommes : Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. On hésite à mettre Gabriel Attal dans cette catégorie, lui dont le discours de politique générale est déjà spolié par l’envahissante conférence de presse d’Emmanuel Macron. Une grand-messe imposée aux télés à l’heure de plus grande écoute. Même De Gaulle n’avait pas osé !

C’est le gouvernement du mépris de classe.

Le pire est qu’il n’est pas sûr que ces jeux, somme toute assez vulgaires, soient gagnants. Le débauchage de Dati risque plus d’hypothéquer le soutien de la droite que de garantir au gouvernement les voix des amis d’Éric Ciotti à l’Assemblée. Quant à Gabriel Attal, il se présente comme le VRP du président. À son agenda quotidien, on mesure ce qu’est devenue la politique. Il lui faut chaque soir, à l’heure du journal télévisé, être vu à la rencontre des Français en souffrance ou en colère. Empreinte carbone et démagogie !

Et la gauche dans tout ça ? Eh bien, elle n’a plus qu’à exister ! Mais ça risque de mal commencer avec les européennes. On nous promet au moins quatre listes. Il est vrai qu’une liste unique aurait eu de la gueule. Mais on comprend les arguments des écologistes et des socialistes. Un argument officiel d’abord : la somme des listes (31 %) serait supérieure au score espéré d’une liste unique. Mais Clémentine Autain, qui a milité pour une liste commune, a raison de souligner que la dynamique unitaire vaut mieux qu’une simple addition. En vérité, les partisans du « chacun pour soi » ont un autre argument, moins avouable. Écologistes et socialistes ne seraient pas mécontents de devancer significativement La France insoumise. Histoire de bousculer une hiérarchie héritée de la présidentielle, et dont Mélenchon a fait un usage immodéré et autoritaire.

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Les européennes peuvent-elles rebattre les cartes ? Glucksmann va-t-il imposer son discours œcuménique ? Cela passe par une difficile revalorisation de l’enjeu européen dans l’opinion, alors que nous avons affaire à deux guerres, que l’ombre inquiétante de Trump se profile de nouveau, et que le dossier immigration n’a pas de solution « nationale ». Un double défi. Les sondages placent aujourd’hui Glucksmann en tête de la gauche (11 % contre 7,5 % à LFI). Mais, quoi qu’il en soit, on est loin du compte en regard du score attribué à une liste Bardela (28,5 %) (1).

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Les autres résultats du sondage Cluster 17 pour Le Point, du 15 janvier : PCF : 3 %, EELV : 8 %, Renaissance : 18 %, LR : 7%, Reconquête : 7 %.

Tout se passe comme si deux compétitions se menaient en parallèle. En première division, la course-poursuite éperdue des macronistes pour réduire l’écart qui les sépare du Rassemblement national. En division inférieure, la gauche et les écologistes. Macron se débat in extremis pour ne pas être le président qui aura donné notre pays à l’extrême droite, alors qu’il a fait jusqu’ici tout le contraire, et la gauche pour surmonter sa maladie chronique, la division. Mais cette fracture n’est pas fatale. La politique de classe assumée par Macron a au moins l’avantage de créer les conditions objectives d’un retour de la gauche. Celle-ci a son destin en main.

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