Les germes de la colère

Les tarifs d’électricité au 1er février vont augmenter de 8,6 à 9,8 %. Emmanuel Macron, champion autoproclamé du pouvoir d’achat, est plutôt celui qui aura tout fait pour mettre les moyens de l’État au service des bien portants.

Pierre Jacquemain  • 23 janvier 2024
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Les germes de la colère
Manifestation à Paris contre la réforme des retraites, le 11 février 2023.
© Lily Chavance

Est-ce la goutte d’eau qui fera déborder le vase ? Les gilets jaunes sont nés pour moins que ça. La taxe carbone était encore à l’état de projet que des milliers de Français avaient commencé à envahir les ronds-points et les rues de France. Seuls les mobilisations massives et les face-à-face violents avec les forces de l’ordre avaient eu raison de cette mauvaise décision. Mais là, c’est du concret.

Bruno Le Maire a assumé la hausse des tarifs d’électricité au 1er février, comprise entre 8,6 et 9,8 %. Et comme le ministre ne manque pas d’humour, il loue même le « courage » de cette nouvelle mauvaise décision. Taxer 90 % de la population, à commencer par les plus modestes, quand les 10 % restants auraient pu participer à l’effort collectif, à travers une taxe sur les grandes fortunes ? Que nenni. Bruno demande. Mais il demande aux Français. Et certainement pas aux plus fortunés. Bruno a besoin d’équilibrer le budget de la France. Alors il fait les poches du plus grand nombre. Sans aucun esprit de justice sociale.

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Du grand art : comble de cette décision politique – elle n’était pas inéluctable selon son ancienne collègue du gouvernement, Emmanuelle Wargon, qui préside désormais la Commission de régulation de l’énergie –, les abonnés au tarif « heures creuses », c’est-à-dire ceux qui participent le plus à la réduction de la consommation d’électricité (et donc à sa régulation en période tendue), seront les plus pénalisés. Pour eux, la hausse sera de 9,8 %, soit d’environ 250 euros nets par an, en moyenne, pour une maison individuelle habitée par un couple et deux enfants. Et pour ceux qui ont été, selon Le Maire, les plus protégés par le bouclier tarifaire pendant la crise énergétique, les 3 % ayant souscrit au tarif Tempo d’EDF, la hausse sera même de 10,1 % !

En trois ans, le nombre de salariés au Smic aurait progressé de 41 %, passant de 12 à 17 %.

Faites des efforts et vous en paierez les conséquences. Voilà le message que le gouvernement envoie à ceux qui ont joué le jeu, baissé leur consommation et favorisé les énergies vertes. Double incohérence : budgétaire et écologique. On n’est plus à une près ! Mais surtout, ce que nous dit en substance le ministre de l’Économie, c’est que ces Français-là paient le coût du bouclier tarifaire (100 milliards d’euros entre 2021 et 2023) qui avait permis, un temps, de limiter la hausse des prix de l’électricité et du gaz, lorsque la guerre en Ukraine a éclaté. Une hausse limitée mais pas sans conséquence. Parce que, depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, la facture s’est tout de même alourdie de 90 euros en moyenne, soit une hausse de 43 à 44 % sur deux ans selon le type de contrat.

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Et il n’y a pas que l’électricité qui a augmenté. Après le gaz et l’électricité, les prix de l’alimentation ont subi une hausse de 25 % dans la même période. Le président de la République a beau faire des conférences de presse – sans contradicteur ou presque – pour dire qu’il est celui qui a le plus fait pour le pouvoir d’achat des Français, il est surtout celui qui aura tout fait pour mettre les moyens de l’État au service des bien portants. Et les faits sont têtus. Les Français ont de plus en plus de mal à vivre de leur travail. Les salaires n’augmentent pas.

Pire : selon Le Monde, on assiste à une « smicardisation » du monde du travail. En trois ans, le nombre de salariés au Smic aurait progressé de 41 %, passant de 12 à 17 %. Les germes de la colère pourraient donc bien prendre racine. Les puissantes mobilisations des agriculteurs en Allemagne semblent faire tache d’huile en France. Et même si les mobilisations des exploitants français devaient conduire le gouvernement à céder rapidement aux revendications de la très productiviste – et pro-pesticides – FNSEA, elles pourraient d’ici là en déclencher d’autres. Et elles seraient bienvenues !

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