Un premier combat écolo à en perdre les pédales
C’est l’histoire d’un pont interdit aux cyclistes et aux piétons, qui démontre une nouvelle fois l’attitude navrante des décideurs locaux.
dans l’hebdo N° 1793 Acheter ce numéro
C’est l’histoire d’un pont interdit aux cyclistes et aux piétons, qui démontre une nouvelle fois l’attitude navrante des décideurs locaux de droite, de gauche et même écologistes. C’est aussi l’histoire d’une grande déception doublée d’une démotivation militante. Pascal Bregeon, défenseur de la place des mobilités douces en milieu urbain, raconte son combat de trente ans.
C’était il y a plus de trente ans, le 29 juin 1990 exactement. Je participais à ma première manifestation à bicyclette à l’occasion de l’inauguration d’un nouveau pont enjambant la Loire à l’ouest de Tours. Nous étions une cinquantaine de manifestants à vélo qui dénoncions l’interdiction faite aux cyclistes, mais aussi aux piétons, d’utiliser ce nouvel ouvrage. Ainsi, en privant les usagers de la bicyclette et les marcheurs de la traversée de ce pont, le conseil général d’Indre-et-Loire de l’époque les contraignait à faire un détour par Tours.
Dans la foulée de cette manifestation, avec une poignée de militants cyclistes, nous avions créé une association loi de 1901. Ainsi est né le Collectif cycliste 37 (CC 37) pour faire pression sur les collectivités locales, leurs élus, afin qu’ils développent les aménagements cyclables cohérents, continus et sécurisés, nécessaires à la promotion du vélo comme mode de déplacement privilégié.
La faiblesse de la mobilisation a fini par me décourager.
Je n’avais pas d’automobile et la bicyclette était mon moyen de transport principal, ce qui a fondé mon engagement au sein du CC 37, comme membre actif pendant près de sept ans, d’abord comme trésorier puis président. Pour donner plus de poids à l’association, j’avais même contacté, dès 1993, René Dumont, ancien candidat écologiste à l’élection présidentielle de 1974 et membre du comité d’orientation de la première conférence mondiale sur le vélo en 1992, afin qu’il en devienne président d’honneur. Il a accepté sans hésiter.
Certes, les aménagements cyclables se sont multipliés en Touraine depuis plus de trente ans. Toutefois, dans les années 2000, quand ce fameux pont controversé a été doublé d’une voie de circulation, cyclistes et piétons ont à nouveau été interdits de fréquenter l’ouvrage. Dans le même temps, un projet de passerelle, vaguement évoqué par certains élus, devait voir le jour à proximité pour les usagers des mobilités douces. Mais, au fil du temps, rien de vraiment concret n’a vu le jour.
Et la faiblesse de la mobilisation a fini par me décourager. Pourtant, de nouvelles structures associatives, Vélorution 37 et une petite association fondettoise, avaient entre-temps vu le jour et avaient fini par rallier la cause. À l’époque, cela faisait plus de dix ans que je n’étais plus actif au sein du CC 37 mais le dossier me tenait toujours à cœur. Bien que démobilisé et découragé, je n’ai jamais cessé d’espérer de voir le projet de passerelle aboutir.
En novembre 2023, Tours Métropole Val de Loire, structure regroupant une vingtaine de communes de l’agglomération tourangelle qui avait hérité du dossier, décida d’enterrer définitivement le projet de passerelle sur la Loire après études et concertations. Pour l’exécutif de la métropole, composé d’élus de droite, de gauche et d’écologistes parmi lesquels des membres d’Europe Écologie-Les Verts, l’équipement a été jugé trop coûteux, trop compliqué techniquement à mettre en place, pour trop peu de personnes concernées. Encore une fois, les décideurs trouvaient de bonnes raisons – que l’on peut aisément juger mauvaises – à ce nouveau renoncement. En revanche, ils semblaient se poser moins de questions pour la construction de deux ponts limités uniquement à la circulation automobile.
La Loire reste toujours infranchissable entre Fondettes et La Riche pour les cyclistes et les piétons.
Pour couronner le tout, les conseillers métropolitains EELV, dont le maire de Tours, ont voté pour l’abandon de la passerelle. Seule une conseillère (une ancienne militante du CC 37) s’est abstenue. J’avais au minimum espéré que les écologistes défendraient le projet, compte tenu de leur engagement de toujours en faveur des modes de déplacement les plus respectueux de l’environnement. Hélas, il n’en a rien été. Et ma déception fut grande.
Même le CC 37 a fini par se ranger du côté des arguments de Tours Métropole. Le dossier ne semblait plus une priorité pour lui puisque l’association s’est diversifiée avec ses deux salariés et propose à présent des « services », à condition d’adhérer : autoréparation, vélo-école, balades à thème, etc. Le caractère revendicatif de l’association s’est un peu trop atténué à mon goût. Et bien que les élus locaux et les dirigeants du CC 37 se soient renouvelés en l’espace de trente ans, la Loire reste toujours infranchissable entre Fondettes et La Riche pour les cyclistes et les piétons. Et j’ai bien peur qu’elle le demeure pour longtemps. Mon premier combat écolo semble définitivement tombé à l’eau !
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