Diên Biên Phu est tombée

À chaque fois que la droite française décrète qu’elle a depuis longtemps chassé son naturel colonial, le voilà qui revient au grand galop. Comme en témoigne un tweet récent de Valérie Pécresse sur le Nouvel an chinois.

Sébastien Fontenelle  • 14 février 2024
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Diên Biên Phu est tombée
Valérie Pécresse, le 14 mars 2022, lors de la campagne pour l'élection présidentielle.
© Thomas COEX / AFP

Depuis de longues années, la droite française (1), fidèlement secondée par ses journalistes subventionné·es d’accompagnement (2), va répétant sur tous les tons, lorsqu’elle n’est pas occupée à raconter qu’il a quand même eu des côtés hyper-positifs, que le colonialisme n’est plus chez nous qu’un lointain souvenir, que la culture postcoloniale est une invention forgée de toutes pièces dans un sous-sol wokisé de l’université de Stanford (United States of America) puis importée en France par le département de sociologie de l’université Paris-8 (France), et qu’il faut vraiment être d’une malhonnêteté crasse et très typiquement islamo-gauchiste pour oser prétendre le contraire.

Du point de vue de leurs auteur·es, et du fanatisme dont ils et elles sont les fidèles servant·es, de tels efforts sont évidemment fort louables. Mais ils se heurtent à cette insurmontable difficulté que cette droite réactionnaire est profondément travaillée par son puissantissime inconscient, et qu’à chaque fois qu’elle décrète qu’elle a depuis longtemps chassé son naturel colonial : le voilà qui revient au grand galop, tel Zorro sur son grand chevau (3).

Samedi 10 février, par exemple, premier jour de l’année du Dragon de bois, Valérie Pécresse a posté sur X, ex-Twitter, cet épatant message (4) : « Tous mes vœux de bonheur, de succès et de prospérité aux Franciliens d’origine chinoise & indochinoise (5) qui célèbrent le #NouvelAnChinois. »

Et certes : c’est un peu gênant. Mais l’honnêteté oblige à considérer aussi que cette nostalgie du temps béni où la droite française pouvait encore siroter son anisette à la terrasse du Continental de Saigon sans se faire emmerder par l’Oncle Hồ ne pourra plus durer éternellement, et que le moment viendra forcément, dans le cours des prochains mois ou des prochaines années, où quelqu’un·e, dans le proche entourage de Mme Pécresse, trouvera le courage de lui annoncer enfin que Diên Biên Phu est tombée – le 7 mai 1954.

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Puis à tout prendre, et à vrai dire, on préfère ces divagations, parce qu’on peut au moins en rigoler, aux abominables proférations du ministre Darmanin, qui vient – avec l’aval, bien sûr, de ses chefferies de l’Élysée et de Matignon (6) – d’annoncer, tout faraud, « la fin du droit du sol » à Mayotte : on s’en reparlera, évidemment.


(1) Qui n’est plus, désormais, qu’une extrême droite complètement décomplexée – mais on continuera ici à dire « la droite », pour économiser quelques précieux signes. (Naturellement, je ne republierai pas cette explication. Parce que tu comprends bien que si je dois à chaque fois passer 375 signes à t’expliquer comment je vais en économiser 9, ça va vite devenir tendu.)

(2) On pense évidemment au Figaro, qui dans ces disciplines bat régulièrement ses propres records de ridicule – mais il y en a d’autres.

(3) Oui, j’ai bien écrit « chevau », pourquoi ? Tu as quelque chose contre la poésie ?

(4) Repéré en ligne par @trung_ngq.

(5) C’est moi qui souligne.

(6) Car dans ces infectes affaires ce personnage n’est jamais qu’un très fidèle et obéissant : c’est au-dessus de lui que se trouvent donc les premiers responsables de cette infamie coloniale.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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