Le droit à l’histoire du soir

Alain Serres, directeur des éditions Rue du Monde, chez qui paraît Missak Manouchian, l’enfant de l’Affiche rouge, explique l’importance de recourir à la force des histoires « parce qu’elles font appel à l’imagination du jeune lecteur et à sa créativité ».

Alain Serres  • 14 février 2024
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Le droit à l’histoire du soir
© Laurent Corvaisier

Dans le sac à dos de leur époque, les enfants ont à supporter le poids de guerres atroces qu’ils craignent de voir jaillir par la fenêtre de leur chambre et faire exploser leur poster de panda. Il y a aussi une planète qui suffoque, et c’est très lourd. Plus des filles maltraitées, des réseaux pas très sociables, des coquillettes qui pèsent (pour le porte-monnaie) + 57 % depuis l’an dernier et des devoirs de maths pour lundi… Et encore des devoirs de mémoire pour sauver la République. Au secours !

ZOOM : L’avis de Louis, 14 ans.

« J’ai beaucoup aimé ce livre car il y a de très beaux dessins, je trouve qu’il est bien écrit et qu’il pourrait être mis dans les collèges, voire dans les écoles sans problème. Je ne connaissais pas cette histoire et j’aimerais que les professeurs d’histoire en parlent à leurs élèves car c’est très intéressant. »

Louis, 14 ans, en stage d’observation à Politis.

Bien sûr, dans un tel contexte, et sans la boussole de l’histoire, les enfants se laisseraient si facilement aimanter par n’importe quel pôle. Alors vive l’histoire dès le plus jeune âge ! Mais loin de ce concept peu engageant de devoir de mémoire, n’est-ce pas plutôt du côté du besoin et de la nécessité qu’il faut chercher ? Nécessité d’échanger pour apprendre à décrypter, à recouper, à se positionner, tout en se créant des balises citoyennes critiques. Et pour ce chantier de transmission active, à côté des leçons du livre d’histoire, il y a les histoires.

À côté des leçons du livre d’histoire, il y a les histoires.

Dans notre petite Rue du monde, nous misons depuis plus de vingt-cinq ans sur la force des histoires parce qu’elles font appel à l’imagination du jeune lecteur et à sa créativité. Dans une bonne histoire, l’enfant vit et agit, il cherche et élabore, à l’inverse du devoir qu’il lui suffit de bien plier pour le ranger quelque part au fond de sa mémoire.

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Voilà comment nous concevons nos livres : des récits portés par le souffle de la littérature, même s’il s’agit de documenter la culture historique du lecteur. Nous avons ainsi fait revivre Missak et Mélinée Manouchian, comme nous l’avons fait pour Mandela, Wangari Maathai, Rosa Parks ou Jean Moulin. C’est pour inciter l’enfant à chercher encore, entre texte et images, que nous sollicitons aussi de grands noms de l’illustration. Ainsi les peintures de Laurent Corvaisier pour Manouchian ne sont pas là pour décorer ! Elles explosent d’humanité et font vibrer les mots immigré et résistance bien plus que tout discours didactique.

Nous espérons qu’adultes et enfants auront beaucoup à se dire autour de telles fresques historiques et artistiques et qu’ils sauront prendre le temps de poser le sac à dos du monde pour penser ensemble. Peut-être que ce partage d’intelligence citoyenne créative encouragera l’enfant à grandir en liberté. Et nous aidera, nous, à demeurer en veille.

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