Ceux qui trahissent l’Affiche rouge
Vivants, Manouchian et ses camarades eussent été exclus de la cérémonie au Panthéon. Ils ont mérité la nationalité française mais ils ne l’ont pas eue, preuve que le mérite ne suffit pas.
dans l’hebdo N° 1799 Acheter ce numéro
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Manouchian : la police française insulte la mémoire des résistants communistes Le Pen, casse-toi, les FTP-MOI ne sont pas à toi ! « Ils étaient vingt et trois… morts pour la France » Le droit à l’histoire du soirL’Affiche rouge, mille fois commentée et chantée à vous faire chavirer le cœur, s’est décolorée en rose délavé durant le discours d’Emmanuel Macron, discours petit bras, étiré en longueur, et dont l’anaphore « Est-ce ainsi que les hommes vivent » ne parvenait pas à masquer l’effarante inanité et l’insignifiance de sa plume attitrée. N’est pas Malraux qui veut, et le singer eût certes été un affront. Toutefois, cette phrase : « Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé » ne s’applique pas totalement à ceux de l’Affiche rouge.
Dans sa lettre à Mélinée, Missak Manouchian écrit en effet ceci : « Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus », en sorte que ces derniers ne font pas partie de son terrible cortège. Le pardon est donc sélectif, excluant les traîtres, et à ce moment tout chavire, puisqu’on se demande si ne se sont pas engouffrés dans ce terrible cortège, là au Panthéon, non des traîtres mais des visages à double face, à double jeu.
Vivants, Manouchian et ses camarades eussent été exclus d’une telle cérémonie.
Car enfin, parmi les invités à cette commémoration, paradaient sans vergogne des agents doubles, partisans du droit du sang à l’exclusion du droit du sol, déjà en ligne de mire à Mayotte, et de la préférence nationale. Et pour point d’orgue, Marine Le Pen assène : « J’ai évidemment quelques liens familiaux avec la Légion étrangère, donc que des étrangers soient venus tout au long de notre histoire se battre pour défendre notre pays est une évidence », parallèle honteux et scandaleux entre son père qui a torturé pendant la guerre d’indépendance algérienne et les étrangers de l’Affiche rouge.
Sans verser dans l’anachronisme, vivants, Manouchian et ses camarades eussent été exclus d’une telle cérémonie, et, partant, la phrase de Missak – « Vous avez hérité de la nationalité française, nous, nous l’avons méritée » – résonne autrement. Ils ont mérité la nationalité française mais ils ne l’ont pas eue, preuve que le mérite ne suffit pas. Pour attester sa bonne foi politique, il eût fallu que le président se saisisse de cette sentence et accorde ce soir-là la nationalité française aux demandeurs d’asile actuels, comme gage de fidélité et de loyauté envers l’engagement de ceux de l’Affiche rouge.
Et résonne autrement aussi la litanie égrenant les « morts pour la France ». Les 23 sont d’abord morts pour la liberté, et pas seulement pour la France, puisqu’ils avaient déjà combattu le fascisme et le nazisme dans leurs pays respectifs. Ils sont apatrides, internationalistes, communistes, et leur seule patrie est là où la liberté est en danger. Dès lors, ces passeurs de frontières épris de liberté étaient subordonnés aux structures combattantes existantes dans chaque pays.
À cet égard, on peut se demander si la distinction au sein de la Résistance de la main-d’œuvre immigrée dans un groupe spécifique n’était pas une erreur stratégique dans la mesure où cette section composée en majorité de combattants juifs était fortement exposée à la répression, et où cette distinction invalidait aussi l’idéal internationaliste communiste.
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