Musée-valise, art mouvant
Un « musée-valise » itinérant circule depuis l’été 2023 en milieu hospitalier. Il transporte « La Mer imaginaire », une exposition composée de dix-huit œuvres, pour certaines inédites.
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Au cœur verdoyant de l’île de Porquerolles (Var), la Villa Carmignac, inaugurée en 2018 à l’initiative de la Fondation Carmignac et entièrement dédiée aux arts, accueille des expositions temporaires durant la belle saison. En 2021, elle a vu déferler « La Mer imaginaire », un ensemble d’œuvres exprimant la puissance poétique de la mer, monde infiniment mystérieux, et traduisant aussi une mélancolie très contemporaine liée aux menaces qui pèsent sur ce monde.
« Nous n’avions pas envie que cette exposition reste limitée dans le temps et dans l’espace, explique Charles Carmignac, directeur de la Fondation et de la Villa – par ailleurs ancien membre du groupe folk-rock Moriarty. C’est ainsi qu’a germé l’idée d’une exposition nomade, voyageuse, qui puisse circuler indéfiniment, sans contrainte, et aller en particulier à la rencontre de publics éloignés de l’art ou dans l’incapacité de se déplacer. »
Ouvert, de volets en tiroirs, il révèle progressivement son contenu suivant un découpage en plusieurs actes, à l’instar d’une pièce de théâtre.
Après deux ans d’élaboration minutieuse, le projet s’est concrétisé en 2023 sous la forme d’un « musée-valise ». Conçu par l’artiste et architecte-scénographe Stephan Zimmerli, ce prototype hors normes a été fabriqué par l’artisan et designer Henri Terreaux. Il consiste en un coffre en bois rectangulaire fixé sur une petite table à roulettes. Les panneaux extérieurs du coffre sont peints dans un bleu outremer en couches irrégulières évoquant les ondulations des flots. Fermé, il paraît n’être qu’un meuble un peu étrange. Ouvert, de volets en tiroirs, il révèle progressivement son contenu suivant un découpage en plusieurs actes, à l’instar d’une pièce de théâtre.
Apparaissent notamment deux photos (Pince de homard, Buste d’hippocampe) et un film (La Pieuvre) de Jean Painlevé, illustre pionnier de l’exploration poétique des fonds marins et père spirituel de cette mer imaginaire. Parmi les autres artistes ici enfouis figurent Paul Klee, Dora Maar, Jochen Lempert et Yves Klein. Ce dernier est représenté par un pigment de son bleu iconique, contenu dans une éprouvette que l’on peut manipuler.
Une boîte magique tout public
Dix-huit œuvres émergent au total, cinq ayant été créées spécialement pour le projet dont Ressac, de Miquel Barceló, gravure sur bois marquant la trace d’un raz-de-marée, The Fall and Rise, de Bianca Bondi, superbe sculpture d’un squelette de baleine miniature, et HUMPBACK, Moorea island, de Michel Redolfi, captation sonore sous-marine réalisée au large de l’île Moorea, en Polynésie.
Quelque part entre cabinet de curiosités mobile et petit théâtre portatif, cette boîte magique inspirée aussi par la Boîte-en-valise de Marcel Duchamp dévoile ses joyaux secrets, d’apparitions en disparitions, d’écrins-écrans passagers en doubles fonds, d’instants de suspension en moments d’interaction. Semblant pouvoir se déplier (et déployer) à l’infini, elle rend sensible un espace mental aux méandres sophistiqués. Des variations d’éclairage ajoutent encore des nuances et du relief à l’expérience.
À terme, le musée-valise est voué à rouler non seulement vers d’autres hôpitaux mais également vers des écoles ou des prisons.
A priori transportable partout, et reproductible avec d’autres expositions, le musée-valise se destine d’abord au milieu hospitalier pour les patient·es, leur entourage et le personnel soignant. Menée par un médiateur ou une médiatrice, la « visite », qui dure environ 30 minutes, s’effectue pour une personne seule ou des petits groupes. Elle peut s’accompagner d’activités annexes, par exemple des ateliers. S’il prend l’hôpital comme cadre principal, le projet ne s’inscrit pas pour autant dans une perspective strictement thérapeutique. Avant tout de nature artistique, il est censé être accessible à tout public.
Expérimenté depuis l’été 2023 au moins pendant un an au sein du Groupe hospitalier universitaire (GHU) de Paris, en particulier à l’hôpital Sainte-Anne, sous la conduite du docteur Mathias Gorog, il suscite des premières réactions très positives et encourageantes. À terme, il est voué à rouler non seulement vers d’autres hôpitaux mais également vers des écoles ou des prisons. En outre, il va se glisser dans des événements divers (festivals, salons) consacrés à l’art contemporain et aux métiers d’art.