Violences sexuelles : « Silence ! On tourne »
Si le discours de Judith Godrèche a marqué la 49e cérémonie des Césars, il n’a pas, pour autant, suscité de nombreuses réactions parmi les figures masculines du cinéma français. Qu’ont à dire ceux qui ont applaudi des années durant les « monstres sacrés » ?
dans l’hebdo N° 1799 Acheter ce numéro
Ils ont sagement écouté. Ils se sont levés. Et tous, ou presque, sont partis sans rien dire. Les hommes du cinéma français ont soutenu un bien décevant silence lors de la 49e cérémonie des César, durant laquelle l’actrice Judith Godrèche a raconté un cauchemar devant une foule de pantins polis. Certes, il y eut une standing ovation. Certes, on put entendre des interventions aux accents solidaires – pour les femmes, les victimes des balles russes ou le peuple palestinien. Certes, des soutiens furent apportés lors des interviews. Et l’on peut se réjouir que ces messages aient existé.
L’actrice de 51 ans, qui a porté plainte pour viol sur mineure contre Benoît Jacquot et Jacques Doillon, a pu également compter – tient-elle à rassurer dans un entretien au Parisien – sur les doigts d’une seule main celles et celui avec qui elle a « longuement discuté » au dîner qui a suivi les festivités majeures du 7e art, pourtant en crise ouverte en matière de violences sexistes et sexuelles depuis l’affaire Weinstein.
Mais peut-on seulement s’en féliciter ? Sur les réseaux sociaux, les critiques regrettant un appui si timide de la part des acteurs et des actrices se multiplient. Ne pouvait-on pas attendre plus de la part du cinéma français ? Le tonnerre qu’ont fait retentir les affaires Luc Besson, Gérard Depardieu, Christophe Ruggia, Nicolas Bedos, Richard Berry, Gérard Miller, Benoît Jacquot et Jacques Doillon n’aurait-il pas demandé plus de réactions ?
Au-delà de la poignée de femmes qui se sont montrées solidaires, qu’ont à dire les hommes assis et silencieux dans leur confortable fauteuil à l’Olympia ? Pas grand-chose. Les réactions furent les mêmes qu’il y a quatre ans, lorsque Aïssa Maïga avait pointé le manque de personnes noires sur grand écran. Autant de coups d’épée dans les eaux de la lâcheté.
Qu’ont à dire ceux qui ont applaudi des années durant les ‘monstres sacrés’ ?
Après les courtes déclarations de soutien face caméra de quelques-uns, qu’ont à dire ceux qui ont applaudi des années durant les « monstres sacrés » ? Que dénoncent ceux qui, grâce à leurs idoles, se sont enrichis ? Rien. Ils se taisent. Et se complaisent dans leur silence coupable. Judith Godrèche l’annonce clairement : « Si [la standing ovation] est l’expression d’un sentiment commun, alors ça se traduira par des actes. Si c’était un geste qui n’est pas ancré dans une conviction et un désir que les choses changent, alors il ne se passera rien. » Que s’est-il passé ? Du côté des actes, pour l’instant, si peu de choses.
Mais, sur le terrain de la libération de la parole, un nouvel espace de témoignages s’est ouvert avec le mouvement #MeTooGarçons. Le comédien Aurélien Wiik a posté, sur Instagram, le 22 février, un témoignage dénonçant des faits d’abus sexuels par « son agent » et « d’autres gens de son entourage » entre ses 11 et 15 ans. Aurélien Wilk a sonné une autre alarme dans l’enceinte mutique du cinéma français : celle des agressions sexuelles prenant pour victimes des garçons et de jeunes hommes.
Depuis, des personnalités comme des anonymes publient sur les réseaux sociaux des récits, courts, longs, fournis ou concis. Si, dès la première parole libérée, d’autres se libèrent, le temps de l’écoute, de l’action et de l’engagement ne suit pas toujours ce jaillissement. Les César en ont fourni un exemple retentissant.
L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don