À la grande Aya Nakamura, la patrie reconnaissante ?
La chanteuse, star à l’international, serait indigne, sondages à l’appui, de représenter la France lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Pourtant, c’est elle qui est une chance pour le pays et non le contraire.
dans l’hebdo N° 1803 Acheter ce numéro
Aya Nakamura aurait été pressentie pour chanter Édith Piaf lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. De cette rumeur, pas encore confirmée, est né un scandale qui a bouleversé les réseaux sociaux, les médias et les débats politiques.
Résumons : Aya Nakamura serait indigne, sondages à l’appui, de représenter la France pour cet événement planétaire. Arguments : Aya ne serait rien à côté d’Édith Piaf, présentée comme le monument national de la chanson ; ne saurait pas chanter ; ne chanterait ni en langue française ni en une langue intelligible par quelque humain ; ne saurait légitimement incarner l’image de la République. Enfin, plus directement, plus violemment : elle aurait davantage sa place sur le marché de Bamako, une allusion sans ambages aux origines de la chanteuse, passant sous silence les origines modestes et kabyles de la grande Piaf.
Au premier abord, la situation est simplement risible, vaine et sans intérêt au vu du succès national et international de la chanteuse. Cependant, ce qui frappe, ce sont les ressorts racistes, classistes et sexistes de l’affaire. Pour qui sait et peut ouvrir les yeux sur la polémique inique et si révélatrice, il est évident que des enjeux de race, classe et genre sont à l’œuvre.
Le trio gagnant de l’intersectionnalité se déploie dans la seule personne d’Aya Nakamura, qui est née au Mali et a grandi à Aulnay-sous-Bois, dans ce département de la Seine-Saint-Denis, le plus pauvre, le plus multiculturel, multilingue, plurinational de l’Hexagone. Mais très certainement celui qui a démontré une inventivité et une créativité culturelles avec lesquelles seuls les territoires dits d’outre-mer sont en mesure de rivaliser. Soit des territoires nationaux mais extra-hexagonaux, pareillement ou encore plus pauvres, multiculturels, multilingues et plurinationaux.
Qu’est-ce qu’une femme noire, d’origine africaine, issue d’un milieu modeste et populaire doit faire pour qu’on daigne la considérer comme pleinement française ?
Aya Nakamura ne se situe pas à l’intersection, elle est l’intersection ! Alors ce qui frappe est surtout l’hypocrisie. La disqualification la jeune chanteuse pour une cérémonie qui – au mépris de la réalité – semblerait être la chance de sa vie et de sa carrière serait uniquement liée à ses capacités vocales limitées et au sabir dans lequel elle s’exprimerait. Presque rien n’a été ouvertement dit à propos de la couleur de sa peau, de ses origines maliennes et de son ancrage en banlieue populaire.
Pourtant, c’est bien de tout cela qu’il est indéniablement question. Sinon, rationnellement, rien ne peut justifier la remise en question de la notoriété, du statut et de la légitimité de la seule star française vivante menant une carrière nationale et internationale de ce niveau. Là est l’insulte. Là sont le racisme, le classisme et le sexisme : qu’est-ce qu’une femme noire, d’origine africaine, issue d’un milieu modeste et populaire doit faire pour qu’on daigne la considérer comme pleinement française ? Comme si la France était une couronne… Aya Nakamura s’est couronnée elle-même. Elle a déjà été adoubée par les siens. Urbi et orbi. Les chiffres, tout comme sa musique, ont parlé.
« Djaja » aux JO ou pas, ON S’EN FOUT ! Aya a déjà gagné. À l’instar de l’exposition de l’artiste Alexis Peskine, datant de 2013, elle est « Tellement au-dessus la France ». C’est Aya, la chance pour le pays et non le contraire. La go est « gang, hors game ». Parlez-vous français ?
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