À Villepinte, l’insoumise Manon Aubry veut « déjouer le duel entre les macronistes et l’extrême droite »

Pour le lancement de leur campagne européenne, les troupes insoumises construisent un pont entre l’échéance de 2024 et la présidentielle. Jean-Luc Mélenchon, avant-dernier de cette liste, continue d’être ambigu sur ses ambitions.

Lucas Sarafian  • 17 mars 2024
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À Villepinte, l’insoumise Manon Aubry veut « déjouer le duel entre les macronistes et l’extrême droite »
Manon Aubry pendant la « Convention de l'Union populaire », pour lancer la campagne européenne de la France Insoumise (LFI), à Villepinte, le 16 mars 2024.
© BERTRAND GUAY / AFP

En sortant de la gare du RER B de Villepinte (Seine-Saint-Denis), il ne fallait pas se tromper de chemin. Une foule de jeunes cosplayers, avec des déguisements aux personnages de leurs mangas favoris, se mêle aux militants insoumis. Un choc entre deux mondes au Parc des expositions. D’un côté, le Paris Manga & Sci-fi Show. De l’autre, le lancement de la campagne des européennes de La France insoumise (LFI).

Mais force est de constater que, ce samedi 16 mars, les 3 000 insoumis attendus, selon la communication du mouvement, n’ont pas changé leur plan au dernier moment : la salle était pleine et les militants, chauffés à blanc. Pour ce raout de campagne, les insoumis ont vu grand. En fond sonore, Britney Spears, Aya Nakamura et Beyoncé. On chante « Siamo tutti antifascisti » et on crie « Union populaire », le slogan de LFI pour cette campagne tiré de la formule phare de Jean-Luc Mélenchon en 2022.

Première étape

14 heures. Manuel Bompard, le coordinateur national du mouvement insoumis, déclenche les hostilités. « Ces élections européennes, c’est l’après-Macron qui commence maintenant. À l’heure où l’extrême droite paraît comme la seule alternative, nous devons ouvrir un autre chemin. Et nous le faisons malgré ceux qui ont fait le choix de la division », lâche-t-il. Le message est clair : le scrutin du 9 juin 2024 est la première étape de la présidentielle de 2027.

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Les députés Aurélie Trouvé et Louis Boyard, reconvertis en maîtres de cérémonie, introduisent les nombreuses prises de parole et les quatre tables rondes de la journée, sur les thèmes de l’écologie, l’égalité et la dignité, la jeunesse, et la paix. L’eurodéputé écologiste Damien Carême, le député écologiste Aurélien Taché, qui a annoncé dans Le Parisien soutenir la liste de Manon Aubry, la présidente du conseil régional de La Réunion et invitée surprise de cette liste (à la 81e place), Huguette Bello, l’ex-responsable des Jeunes écologistes Camille Hachez, l’ancien coordinateur national de Génération·s Arash Saeidi, la défenseure de la cause palestinienne Rima Hassan. Tous se sont succédé au micro pour des interventions de quelques minutes.

Les insoumis veulent montrer qu’ils créent l’unité. Jusque dans leurs propres rangs ? Quelques minutes avant la prise de parole plus qu’attendue de Jean-Luc Mélenchon, les députés frondeurs au sein du groupe Clémentine Autain et Alexis Corbière sont entrés dans la salle pour s’asseoir au premier rang.

C’est la première fois que le bulletin de vote aura la signification d’une élection à mi-mandat d’une présidence interminable qui va d’une pagaille à une autre.

J-L. Mélenchon

16 heures. L’entrée du triple candidat à la présidentielle et présent en avant-dernière position de la liste aux européennes, est acclamée par toute la salle. Après avoir cité Robespierre, Angela Davis et Sénèque, il lance : « C’est plus qu’une élection pour élire des députés européens. C’est la première fois que le bulletin de vote aura la signification d’une élection à mi-mandat d’une présidence interminable qui va d’une pagaille à une autre. » Le tribun tente de remobiliser son électorat tenté par l’abstention : « Peuple qui avez voté pour le programme de “l’Avenir en commun”, il paraît que vous n’êtes que 43 % à aller voter. Si vous abandonnez le combat, ne vous étonnez pas qu’il soit perdu. »

Le fondateur de LFI attaque de front le discours sur « l’Europe sociale », un mythe qui aurait, selon lui, conduit à « l’austérité permanente », et disserte sur la situation internationale en Ukraine comme à Gaza. Un discours en cohérence avec la stratégie des insoumis, qui rêvent d’incarner le « camp de la paix » dans cette campagne. « Nous sommes passés de l’Europe de la paix à l’Europe de la guerre et de l’économie de guerre. Voilà ce qu’ils ont fait du grand rêve des pères fondateurs ! », lâche-t-il en ciblant les récentes déclarations d’Emmanuel Macron et de Raphaël Glucksmann.

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Mais surtout, il construit un pont entre l’élection de 2024 et le scrutin présidentiel : « Comme vous faites votre lit, vous vous couchez. Comme vous préparez votre soupe, vous la mangez. Comme vous préparez votre 2024, vous aurez 2027. » Dans la salle, quelques cris « Mélenchon, président ! ». L’intéressé joue l’ambiguïté : « On part de loin. Mais à la fin, la tortue sagace finit toujours par approcher du but. » Les européennes seraient-elles en train de devenir la rampe de lancement de Jean-Luc Mélenchon ? Une chose est sûre : les insoumis lancent leur campagne en plaçant 2027 dans leur ligne de mire.

Dupond et Dupont

La ligne est reprise par Manon Aubry, la tête de liste des insoumis : « Ensemble nous allons déjouer le duel entre les macronistes et l’extrême droite (…). L’enjeu de cette élection, c’est rassembler pour construire une alternative au duo Emmanuel Macron et Marine Le Pen. L’après-Macron commence dès le 9 juin. »

L’eurodéputée pointe les « pluies de dividendes » que touchent les grandes entreprises. Blocage des prix, fin des accords de libre-échange, remise en cause du pacte budgétaire européen. L’insoumise veut transformer le scrutin de juin en « référendum contre ce pacte d’austérité ». « Quel sens y a-t-il à être sous les 3 % de déficit sur une planète morte ? La dette se négocie. Pas la planète », assure-t-elle. « Rendez l’argent ! », peut-on entendre dans la salle.

La tête de liste égratigne au passage Jordan Bardella, cet eurodéputé qui, « en cinq ans, n’a pas trouvé le chemin du Parlement européen ». Et cible également les macronistes au Parlement européen, en pointant notamment la position d’Emmanuel Macron sur la définition européennne du viol ou, plus récemment, sur le statut des travailleurs ubérisés. « Valérie Hayer et Jordan Bardella sont les Dupond et Dupont qui nous emmènent vers le chaos, estime-t-elle. Si le 9 juin on ne déjoue pas ce duo, alors on sera condamnés à le subir pour les prochaines élections. » Mais les insoumis ne seraient-ils pas en train de sauter les étapes ?

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