L’IVG devient une « condition de notre démocratie »
Le Congrès a approuvé l’inscription, unique au monde, de la liberté à recourir à l’avortement dans la Constitution française, marquant une étape symbolique très forte dans l’histoire des droits des femmes. Mais son effectivité reste un combat.
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Droit à l’IVG : en Europe, une âpre révolution féministe Enfumage Italie : dans les régions, Giorgia Meloni et ses alliés mettent en danger l’IVG La mouvance anti-IVG, toujours vivace en FranceLe 5 avril 1971, le Nouvel Observateur publiait le Manifeste des « 343 », une pétition appelant à la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans une France qui fermait les yeux face aux femmes mourant, depuis des siècles, après un avortement clandestin.
52 ans, 10 mois et 29 jours plus tard, le Congrès a approuvé, par 780 voix pour et 72 contre, l’inscription dans la Constitution de « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à un IVG ». Une journée spéciale, inédite, où résonneront à jamais les applaudissements et les cris de joie des centaines de femmes réunies sur le parvis des libertés et des droits de l’Homme, place du Trocadéro, à Paris.
En 2024, la France est devenue le premier pays du monde à garantir cette liberté dans sa Constitution.
« Cette inscription dans la Constitution va au-delà de nos rêves. Je ressens l’impression de vivre quelque chose que je ne pensais jamais vivre », confiait la plus jeune des signataires du Manifeste, Claudine Monteil, sur Franceinfo. Devant la foule de jeunes militantes, avant les résultats tant attendus, s’exclamait : « Vous êtes les filles et les petites filles de Simone de Beauvoir ! ». À quelques jours du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, cette entrée dans la Loi fondamentale marque une étape historique et symbolique dans un combat féministe sans cesse chahuté à travers le monde.
Une réponse forte et saluée par les associations en première ligne sur la question de l’avortement, comme le Planning familial. « C’est une victoire pour nous et dans les yeux de certaines militantes féministes, ça donne aussi beaucoup d’espoir », expliquait sa présidente, Sarah Durocher, dans une conférence de presse, ce lundi matin. Cette lueur s’était subitement ternie un 24 juin 2022, aux États-Unis, après la décision de la Cour suprême d’annuler l’arrêt Roe vs Wade. Une annulation qui renvoyait à chaque État la liberté d’autoriser, ou non, l’avortement sur son territoire.
Après cet horrifique signal venu d’outre-Atlantique, la victoire française, souhaitée depuis des décennies par toutes les anonymes qui ont vu ce droit menacé de toute part, « peut donner envie à d’autres gouvernements de constitutionnaliser » l’IVG, s’enthousiasmait Sarah Durocher. L’IVG devient une « condition de notre démocratie », comme il l’a été plusieurs fois répété au Congrès.
Un long combat parlementaire
C’est aussi l’aboutissement d’un combat parlementaire particulièrement vif. Long de dix-huit mois, il fut jalonné par des initiatives venant de toute la gauche, partant de l’élue communiste du Val-de-Marne, Laurence Cohen, dès 2017, pour être repris par les groupes socialiste et écologiste au Sénat, par l’intermédiaire de la sénatrice écologiste des Français de l’étranger, Mélanie Vogel, en octobre 2022, puis, le mois suivant, par la présidente du groupe insoumis à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot.
L’année 2023 fut rythmée par les hésitations du gouvernement à soumettre la révision constitutionnelle par référendum. C’est finalement un projet de loi, visant à établir un consensus entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui est déposé à la mi-décembre.
Le référendum, où les voix anti-IVG, qui ont rond de serviette sur CNews, a été évité. Mais c’est une formulation moins ambitieuse qui est retenue : d’une obligation d’un droit effectif, le texte assure désormais une « liberté garantie ». L’expression est moins forte sur le plan juridique, d’après plusieurs juristes et le Syndicat des avocats de France. Surtout, son inscription dans l’article 34, qui définit le domaine de compétence des législateurs, ne hisse pas l’IVG comme un droit fondamental.
Cette fierté, le chef de l’État ne la doit qu’aux féministes, et à elles seules.
Il aurait pu en être assuré en étant intégré à l’article 1. Ce n’est pas le cas, et c’est le résultat des tractations entre la droite sénatoriale et Emmanuel Macron. Sans doute le président de la République se pavanera-t-il d’être le président le plus à l’écoute des femmes. Et que cette inscription dans la Constitution doit, seul, illustrer la grande cause de ses deux quinquennats.
Cette fierté, le chef de l’État ne la doit qu’aux féministes, et à elles seules. Sur le terrain, le chef de l’État devra œuvrer, en revanche, pour que l’IVG soit plus accessible, alors que 130 centres ont été fermés en quinze ans et qu’une femme sur 4 doit changer de département pour pouvoir en bénéficier. Ce combat n’est pas derrière nous. Il est à mener là, présentement.
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