« Les soutiens d’un État génocidaire n’ont pas leur place dans nos luttes féministes ! »
TRIBUNE. À l’initiative d’Urgence Palestine, plus de 500 personnalités, militant.e.s, et collectifs féministes dénoncent l’instrumentalisation de leur lutte par le collectif « Nous vivrons » et assurent que « la libération de la Palestine est une cause féministe ».
Depuis le 8 mars, la presse et le gouvernement accusent le mouvement féministe et les militant-es pro-Palestine à Paris et à Bordeaux d’antisémitisme pour avoir refusé la présence du collectif pro-Israël « Nous vivrons » dans la manifestation annuelle pour les droits des femmes. Nous écrivons ce texte pour réaffirmer notre refus d’une instrumentalisation du féminisme pour laver les crimes d’un État colonial. Nous le disons, une fois de plus : soutenir le génocide en cours à Gaza n’a rien de féministe.
Non, la présence du collectif « Nous vivrons » n’a pas posé problème parce que ce serait un collectif composé de femmes juives. En réalité, comme l’avait déjà montré la manifestation du 25 novembre, ce groupe ne se rend dans nos manifestations que pour orchestrer des provocations politiques, en mettant au cœur de son discours la dénonciation mensongère et virulente de féministes « complices des terroristes ». Alors qu’une grande partie du mouvement féministe exprime d’une façon de plus en plus forte son soutien au peuple palestinien, il s’agit de diviser et de décrédibiliser, avec l’aide de médias complaisants, toute opposition au génocide à Gaza.
La composition politique du groupe « Nous vivrons » qui compte en son sein des membres de Renaissance, des Républicains ou encore du Printemps républicain, en dit long sur ce que recouvre le « féminisme universaliste » dont il se réclame. Depuis le 7 octobre, ce collectif sioniste est à l’origine de provocations contre les associations et organisations politiques de gauche, de menaces, d’insultes et de calomnies à l’égard des militant-es pro-Palestine.
Mêmes méthodes à la manifestation du 8 mars : un service d’ordre exclusivement masculin portant des masques et des gants coqués a menacé, insulté et agressé des femmes à la manifestation du 8 mars. Plusieurs personnes ont fini aux urgences. C’est cette intrusion choquante et violente digne des méthodes d’extrême-droite qui aurait dû faire les titres de la presse nationale. Mais la gravité de cette attaque est éclipsée par un récit mensonger, servant de prétexte pour les offensives contre le militantisme en faveur de la Palestine, dans un contexte politique où l’État tente d’assimiler les positions antisionistes à de l’antisémitisme.
Accepter la récupération du féminisme par des forces réactionnaires c’est trahir et liquider son héritage politique.
La réalité de ce qui se passe à Gaza est impossible à ignorer. Près de 40 000 morts, des dizaines de milliers de femmes enceintes obligées d’accoucher dans des tentes, une famine utilisée comme tactique militaire, des personnes affamées massacrées par l’armée coloniale lors de distributions de nourriture, des maladies infectieuses qui se propagent à échelle inédite et menacent les vies de toute la population qui ne peut plus se soigner faute d’un système de santé totalement détruit. Face à cette situation, qui peut s’étonner que des militantes refusent de marcher aux côtés du collectif « Nous vivrons » qui, entre autres, minimise le nombre de morts à Gaza sur les réseaux sociaux et scande dans la manifestation parisienne « Israël vivra, Israël vaincra ! ».
Le féminisme est une lutte pour l’émancipation de toutes les femmes, mais c’est aussi un combat acharné contre toute forme d’oppression. Ces dernières années des États et des forces réactionnaires tentent de couvrir leurs projets politiques racistes et islamophobes d’un vernis féministe, tout en faisant la chasse aux « wokistes » et aux « intersectionnels », c’est-à-dire à la nouvelle génération des jeunes féministes antiracistes. Accepter la récupération du féminisme par des forces réactionnaires c’est trahir et liquider son héritage politique.
Alors que des centaines de milliers de femmes manifestent dans le monde entier pour la Palestine, alors que des personnes LGBT lèvent le drapeau palestinien aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Maroc, en Argentine et en France, nous réaffirmons que oui, la libération de la Palestine est une cause féministe.
Premiers signataires
- Amal Bentounsi, Urgence notre police assassine
- Kaoutar Harchi, sociologue et écrivaine
- Assa Traore, Comité Vérité et Justice pour Adama
- Sarah Schulman, écrivaine, militante historique d’Act Up New York et de Lesbian Avengers
- Leila Shahid, ancienne déléguée générale de l’Autorité palestinienne en France
- Mariam Abu Daqqa, militante féministe palestinienne
- Annie Ernaux, écrivaine
- Silvia Federici, professeure, écrivaine, militante feministe
- Aurore Koechlin, sociologue, militante feministe
- Fatima Ouassak, politologue et militante écologiste, antiraciste et féministe
- Sarra Grira, journaliste
- Louisa Yousfi, autrice
- Mireille Fanon-Mendès France, présidente de la Fondation Frantz Fanon
- Lena Ben Ahmed, militante féministe et antiraciste
- Monira Moon, militante politique
- Emma Clit, autrice
- Pascale Martin (LFI)
- Racha Belmehdi, autrice
- Virginie Despentes, écrivaine, militante féministe
- Tal Madesta, journaliste et auteur
- Philippe Poutou (NPA)
- Palestinian Feminist Collective
- Lallab
- Pride des Banlieues
- Coordination féministe
- Assemblée Féministe Paris Banlieues
- Kessem, juives décoloniales
- #NousToutes
- Tsedek! – Collectif Juif Décolonial
- Union Juive Française pour la Paix
- Urgence Palestine
- Nouveau Parti Anticapitaliste
- Révolution Permanente
- Confédération Nationale du Travail
- Reporters Solidaires
- Union communiste libertaire
L’intégralité des signataires est à retrouver ici.
Si vous voulez également signer cette tribune ouverte, vous pouvez vous rendre sur ce lien.
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