Rassure-toi, François
François Hollande ne veut pas « qu’un jour on nous dise que nous n’avons rien fait pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir ». Qu’il se rassure : nous dirons plutôt qu’il a beaucoup fait pour la favoriser et la banaliser.
dans l’hebdo N° 1800 Acheter ce numéro
Tu te rappelles François Hollande ? C’est ce « socialiste » à guillemets qui a été chef de l’État français entre 2012 et 2017. L’autre jour, il a pris la parole devant une assemblée constituée de militantes et militants de la fédération du Parti « socialiste » de la Haute-Garonne. Et il a fait cette bouleversante déclaration : « Je ne veux pas qu’un jour on nous dise que nous n’avons rien fait pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir. »
Il croit donc – c’est du moins l’impression que ça donne – que nous avons des mémoires de poisson rouge. Que nous avons tout à fait oublié ce qu’il a fait quand il était aux affaires. Que nous avons tout à fait oublié ce qu’a été son legs.
Or : point.
Nous n’avons pas oublié sa loi du mois d’août 2016 « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels », dite « loi travail » ou – du nom de la ministre qui l’avait portée – « loi El Khomri », qui nous avait bien sûr été présentée comme un texte destiné à « protéger les salariés », mais qui, non moins évidemment, les avait en réalité abandonnés un peu plus aux lubies du patronat. (Le Figaro, bulletin de liaison subventionné de la droite décomplexée, ne s’y était d’ailleurs pas trompé, qui avait salué, un an après son adoption, ce qu’il présentait, à fort bon droit, comme un admirable « assouplissement » du « marché de l’emploi ».)
François Hollande croit donc que nous avons des mémoires de poisson rouge.
Nous n’avons pas oublié non plus – pas oublié surtout – qu’Hollande, sitôt entré dans l’Élysée, s’était flanqué de Manuel Valls. Au ministère de l’Intérieur, d’abord, où ce râpeux collaborateur s’était empressé de théoriser en 2013 que « les Roms » avaient « vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie » – propos qui lui avaient, avec d’autres, valu d’être promptement promu à Matignon, où il avait ajouté, en 2015, comme pour faire bonne mesure, que l’Europe devait « fermer sa porte aux migrants ».
Mais il est vrai aussi que ce farouche second était à bonne école, puisque François Hollande lui-même avait quant à lui déclaré, un an plus tard – en 2016, donc –, dans le cours de ses échanges avec deux journalistes du Monde qui préparaient un livre sur son quinquennat : « Je pense qu’il y a trop d’arrivées, d’immigration qui ne devrait pas être là. » Puis : « Qu’il y ait un problème avec l’islam, c’est vrai. Nul n’en doute. » Puis, en guise de dernier pour la route : « On ne peut pas continuer à avoir des migrants qui arrivent sans contrôle, dans le contexte en plus des attentats. »
Le camarade Hollande peut et doit donc se rassurer, car jamais au grand jamais nous ne dirons qu’il n’a « rien fait pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir » : nous dirons plutôt qu’en fragilisant encore un peu plus le salariat, ou en laissant son Valls de compagnie dire des horreurs sur « les Roms » avant de proférer lui-même des saletés sur les « migrants », il a beaucoup fait, bien avant Emmanuel Macron, pour favoriser et banaliser cette extrême droite contre laquelle il prétend aujourd’hui mobiliser.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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