« Camille s’en va » : de l’activisme écologique
Dans son deuxième roman, Thomas Flahaut raconte l’histoire de militants défaits par la répression policière et le changement climatique, à qui il ne reste que l’amitié pour continuer d’espérer.
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Camille s’en va / Thomas Flahaut / Éditions de l’Olivier, 288 pages, 20 euros.
Avec Camille s’en va, Thomas Flahaut manie suspense et douceur. Nous sommes en 2030 et Jérôme, surnommé Geronimo, retrouve son ami d’enfance Yvain à la Cingle, une forêt destinée à être rasée pour y installer des panneaux voltaïques et où campent des militants. Ces deux amis ne se sont pas vus depuis que Camille, leur sœur de lutte, s’en est allée, dix ans auparavant, sans prévenir ni revenir et que Jérôme a décidé de s’exiler en montagne pour oublier.
Les retrouvailles ne durent que quelques jours avant que la forêt ne soit assiégée par les forces de l’ordre. Jérôme fuit alors de nouveau dans les hauteurs. Mais la porte de ses souvenirs a été rouverte, les questions sans réponse refont surface et le manque béant de ses amis de toujours est ravivé. Pourquoi Camille est-elle partie sans jamais donner de nouvelles ? Pourquoi Yvain l’a-t-il rappelé pour se joindre à lui à la Cingle ?
Dans cette dystopie climatique et politique, réaliste au point de susciter le malaise, la violence d’État est un fil rouge. Elle sépare des amis, meurtrit les corps et les âmes, et plane au-dessus des personnages comme une ombre menaçante. En revanche, elle n’empêche en rien les déboisements illégaux ni ne permet de freiner la chaleur presque invivable des étés. Elle hante l’introverti Jérôme, architecte de formation et mettant ses compétences au service de sa cause, souvent plus à l’aise dans l’observation que dans l’action.
L’écriture, alternant entre une prose poétique et un style plus familier, dévoile une nostalgie douce-amère.
À ces questions sociales et politiques qui structurent le récit, s’ajoute celle, intime, du manque difficile à dépasser. L’écriture, alternant entre une prose poétique et un style plus familier, dévoile une nostalgie douce-amère qui se révèle pleinement dans les paysages de montagne. Cette mélancolie imprègne le texte en laissant une grande place au silence qui réconforte Geronimo dans la fuite perpétuelle de ses tourments. Lorsque les mots sont enfin dits, ils vibrent alors d’autant plus fort. Son anxiété fait écho à la disparition du vivant au sens large, aux paysages que le trentenaire a vu changer jusqu’à s’assécher ou même disparaître. Comme son amie, elle aussi partie, et qu’il continue d’attendre.