La politique sera féministe ou ne sera pas

TRIBUNE. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, les socialistes Mahaut Chaudouët Delmas et Arthur Delaporte montrent combien les femmes sont encore empêchées dans l’accès aux mandats politiques. Ils appellent les partis politiques à mener résolument les réformes nécessaires à une parité accomplie.

Mahaut Chaudouët Delmas  et  Arthur Delaporte  • 7 mars 2024
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La politique sera féministe ou ne sera pas
Manifestation féministe place de la République, le 7 mars 2021.
© Thomas Samson / AFP

D’un côté, le président de la République exhorte au réarmement démographique. De l’autre, les maires enceintes, à l’image de Léonore Montcond’huy, ne peuvent toujours pas jouir d’un congé maternité. Voilà le message qui est adressé aux femmes : faites des enfants sans occuper le pouvoir, gardez vos corps disponibles mais vos cerveaux discrets.

En 2024, les femmes sont encore empêchées dans l’accès aux mandats politiques. Alors qu’elle est un objectif constitutionnel, la parité n’est respectée dans aucune instance de décision : 70 % des communes françaises (soit plus de 25 000) sont encore des zones blanches de l’équité politique puisqu’elles se soustraient à toute règle élective paritaire. On ne compte encore qu’une maire sur cinq, qu’une présidente d’intercommunalité sur dix, qu’à peine plus d’un tiers de femmes à l’Assemblée ou au Sénat, seuls 7 cabinets ministériels sont à parité sur 42.

Sexisme, injures, harcèlement...

Derrière les textes, la disqualification des femmes pour la pratique du pouvoir reste totale.

Quand les femmes atteignent les sphères de pouvoir, il leur est très difficile de s’y maintenir, tant le sexisme y règne. Elles voient leur parole tue ou entravée, elles sont discréditées sur un plan physique ou affectif, elles sont harcelées, violentées symboliquement, verbalement, physiquement, sexuellement. 3 élues sur 4 affirment avoir déjà subi injures, harcèlement, humiliations, silenciations, menaces, fausses informations, provocations, violences verbales et physiques au cours de leur mandat. 1 femme sur 3 a déjà pensé à abandonner la politique à la suite de comportements sexistes, et 1 sur 2 ne se sent pas légitime à son poste (1).

Avec le recours massif aux outils numériques, notamment en politique, le cyberharcèlement des femmes engagées est devenu quotidien : les femmes politiques reçoivent un tweet insultant toutes les 30 secondes. Lorsqu’elles parviennent à la politique, trop de femmes sont discréditées, voire poussées à la démission, à l’image des plus illustres Gisèle Halimi ou Jacinda Ardern.

Et cette violence s’exerce aussi dans l’ombre des élus : 1 collaboratrice parlementaire sur 2 a déjà été victime de blagues sexistes ou sexuelles ou de propos déplacés sur son apparence ou sa vie personnelle, 1 sur 3 d’injure sexiste et d’attitudes insistantes et gênantes, 1 sur 5 d’agression sexuelle (2).

2

Sondage 2019 de Chair Collaboratrice.

Derrière les textes, la disqualification des femmes pour la pratique du pouvoir reste totale. 25 ans après l’inscription de la parité politique dans notre Constitution, nous ne parvenons toujours pas à nous détacher d’une histoire politique construite sur une incarnation et un imaginaire virils, comme en témoigne la lenteur et l’incertitude avec lesquelles s’est faite la protection constitutionnelle de l’IVG (partout et très concrètement menacée), puis l’invisibilisation des femmes élues et militantes qui l’ont portée ou encore l’opposition viscérale de la classe politique à l’usage d’une langue plus inclusive pour préférer un masculin qui n’a rien de neutre, et sur fond d’une campagne idéologique fantasmée anti-« woke ».

Sur le même sujet : L’IVG devient une « condition de notre démocratie »

Une parité inachevée

À l’heure où de nouvelles représentations émergent dans la société, où les pères veulent prendre leur entière place dans la famille et les femmes dans le travail, le milieu politique se doit pourtant d’être exemplaire.

Derrière l’enjeu d’égalité, l’accueil réel des femmes au pouvoir est aussi un moyen de renouveler la confiance démocratique.

Car accorder une meilleure place aux femmes en politique, des meilleures conditions d’exercice de leurs mandats, ça n’est pas une avancée seulement pour les femmes, mais véritablement pour l’ensemble de la société : du fait d’une culture et d’une trajectoire manifestement différente en politique, les femmes entretiennent un rapport moins toxique au pouvoir et aux privilèges, sont plus assidues dans la conduite de leurs missions (3), initient plus d’amendements sur l’égalité, l’enfance, la défense des minorités.

3

Les femmes députées sont par exemple plus assidues en commission : elles y siègent en moyenne trois semaines de plus que leurs homologues masculins par an. Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Parité politique : la nécessité d’un acte II, 2022.

4

Selon le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, les femmes composent seulement un cinquième des élus en situation de cumul, dans Parité politique : la nécessité d’un acte II.

Beaucoup moins sujettes aux cumuls de mandats (4), elles sont plus à même de s’appliquer à leur charge et rester connectées aux enjeux du terrain et aux besoins des citoyens. Plus de femmes en politique, ça n’est donc pas seulement une question de parité du personnel politique, mais aussi de qualité de la décision publique. La désaffection des citoyens pour la politique est chaque année plus grande : derrière l’enjeu d’égalité, l’accueil réel des femmes au pouvoir est aussi un moyen de renouveler la confiance démocratique.

Les partis politiques sont les premiers créateurs de ces injustices : ils doivent devenir les premiers artisans de leur résolution. À l’occasion de cette journée internationale des droits des femmes, nous appelons à remédier à cette parité inachevée, en légiférant non seulement d’urgence sur le congé maternité pour les élues, mais aussi sur la répartition du temps de parole dans les espaces de décision notamment partisans, la meilleure conciliation des temps, les conditions de travail et le congé menstruel des collaboratrices, le renforcement des sanctions en matière de violences sexistes et sexuelles (VSS) à l’égard de leurs auteurs, la réforme de scrutins binominaux aux élections législatives, la limitation des cumuls de mandats, et bien d’autres réformes nécessaires à l’exercice serein et égal des femmes en politique, et avec elles toutes les personnes qui ne sont toujours pas assez représentées, dont le vécu est pourtant précieux pour la décision publique : minorités de genre, classes populaires, personnes racisées, handicapées.

Pour le 8 mars, nous appelons à appliquer chez nous ce que l’on prône pour la société : l’égalité, la justice, la diversité, la sororité et l’harmonie. Nous appelons à faire des idéaux féministes des principes non seulement nécessaires à la transition écologique et sociale si urgente, mais encore à la transition politique et démocratique qui s’impose.

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