Autour des polémiques du 8 mars

L’histoire du féminisme français a été marquée par un profond internationalisme et anticolonialisme. Cette tradition perdurant, le mouvement analyse aujourd’hui en majorité la situation en Palestine comme une situation coloniale et s’oppose au génocide en cours.

Aurore Koechlin  • 3 avril 2024
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Autour des polémiques du 8 mars
Manifestation à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, à Paris, le 8 mars 2023.
© Lily Chavance

Accusations d’antisémitisme, saisie de la justice pour des slogans féministes : ce 8 mars 2024 ne se sera pas passé comme les autres. Paradoxalement, on peut le lire comme un signe de sa force. Avec la lutte contre les féminicides en Amérique latine, #MeToo qui continue, l’obtention du droit à l’avortement dans de nombreux pays, une nouvelle vague féministe bat son plein : c’est pourquoi son positionnement est d’importance.

Or toute l’histoire du mouvement féministe français a été marquée par un profond internationalisme et anticolonialisme : les militantes des années 1970 qui ont lutté pour le droit à l’avortement avaient souvent commencé à militer contre la guerre d’Algérie et la guerre au Vietnam. Cette tradition a perduré, ce qui fait qu’aujourd’hui le mouvement féministe analyse majoritairement la situation en Palestine comme une situation coloniale et s’oppose au génocide en cours. Cette position va à contre-courant du discours politique dominant aujourd’hui en France, et c’est pourquoi on essaye de la discréditer et de la faire taire.

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Cela explique également le degré de répression incroyable qui s’abat sur ce mouvement. Aurore Bergé a menacé de couper les subventions des associations féministes qui auraient tenu des « propos ambigus » sur le 7 octobre, sans toutefois en trouver le moindre après un mois de ce qu’on imagine être d’actives recherches. Encore plus inquiétant, Gérald Darmanin, qui ne pourra jamais se targuer d’être un grand féministe, vu son passé d’extrême droite et l’accusation de viol dont il a été l’objet, saisit la justice pour un slogan prononcé dans la manifestation du 8 mars : « Le kérosène, c’est pas pour les avions, c’est pour brûler les flics et les patrons ».

Pour subir le patriarcat au quotidien, mieux vaut avoir de l’humour.

D’une part, il faut noter le suivisme du ministre de l’Intérieur, puisque le slogan a d’abord été signalé par l’extrême droite. Ensuite, il faut souligner combien notre gouvernement ne comprend pas l’humour. Le slogan est pourtant manifestement ironique et s’inscrit dans une longue tradition du mouvement féministe. Pendant la lutte pour l’IVG, le MLF lançait déjà ce type de formule à prendre au second degré, comme « Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette ».

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Peut-on sincèrement penser que l’enjeu ici est de pousser à brûler avec du kérosène les flics et les patrons ? Évidemment non. Il est de dire : il faut lutter écologiquement en remettant en cause une société capitaliste encadrée par la police. Mais, au lieu de le dire en des termes politiques, on le dit en plaisantant. Pour subir le patriarcat au quotidien, mieux vaut avoir de l’humour.

Est-ce que cela veut pour autant dire que le mouvement féministe est parfait et ne reproduit pas en son sein des formes d’oppression, en particulier le racisme et l’antisémitisme ? Bien sûr que non. Le mouvement féministe, comme le mouvement social, est à l’image de la société en général et n’en est donc pas exempt. Il doit lutter activement contre tout antisémitisme, en son sein comme dans l’ensemble de la société. Plus que jamais, nous devons affirmer que lutter contre l’antisémitisme et défendre le peuple palestinien sont deux causes indissociables.

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Publié dans le dossier
"La révolution sera féministe"
Temps de lecture : 3 minutes
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