Culture : l’austérité au programme
Les coupes budgétaires massives annoncées par le gouvernement à l’encontre des services publics n’épargnent pas la culture. L’attaque est d’autant plus violente qu’elle touche un secteur déjà en crise.
dans l’hebdo N° 1806 Acheter ce numéro
« Absolument inédit ». Telle est l’expression utilisée par les organisations de salarié·es et d’employeur·euses membres de la branche de la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles, dans leur pétition lancée le 9 avril, pour décrire le niveau des coupes budgétaires annoncées fin mars par Bruno Le Maire. À hauteur de 204,3 millions, à ventiler sur les programmes « création » (96 millions d’euros) et « patrimoine » (99,5 millions), l’attaque menace en effet « l’ensemble de l’écosystème, déjà largement déstabilisé par les effets de la sortie complexe de la crise sanitaire, et des crises inflationnistes et énergétiques plus récentes ». Cela alors, disent avec raison les auteurs du même document, qu’« une politique d’impôts justes et efficaces aurait permis d’empêcher » pareille mesure.
La décision gouvernementale passe d’autant plus mal auprès des syndicats que nulle concertation n’a été engagée pour le fléchage des coupes à opérer. Dans un article publié sur son site internet, le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) dénonce par exemple le fait que le Pass culture soit épargné. Ses 300 millions d’euros d’aides font pourtant de ce dispositif le projet le plus soutenu par l’État en 70 ans de politique culturelle de la décentralisation. Ce qui ne dit rien de sa pertinence : la ministre de la Culture, Rachida Dati (guère davantage consultée que ses collègues pour la répartition de la razzia), la remettrait elle-même en cause, toujours selon le Syndeac.
« Moitié moins de spectacles, moitié moins de créations »
Pour l’heure, les quelques amputations annoncées concernent les institutions les plus prestigieuses : entre autres, l’Opéra de Paris (moins 6 millions d’euros), la Comédie-Française (moins 5 millions), le Musée du Louvre (moins 3 millions), le Théâtre national de la Colline et le Théâtre national de Chaillot (moins 500 000 chacun). Concrètement, expliquait le directeur de la Colline, Wajdi Mouawad, sur France Inter le 3 avril, « ces coupes signifient moitié moins de spectacles, moitié moins de créations […], ce sont les jeunes générations d’artistes qui vont écoper ».
Une « étude flash » de l’Association des professionnels de l’administration du spectacle (Lapas), publiée mardi 2 avril, révèle qu’une diminution de 54 % du nombre de représentations est attendue pour la saison 2024-2025 par rapport à l’année précédente. La structure évoque aussi le profond mal-être de nombreux artistes. Pas moins de 22 % de ceux qu’accompagne Lapas songeraient ainsi à dissoudre leur compagnie. D’où l’urgence des demandes formulées par la pétition susmentionnée, parmi lesquelles le renoncement aux coupes et le « refinancement du service public de la culture par une mobilisation conjointe des partenaires publics ».