L’austérité qui vient
Le débat sur la politique économique du gouvernement s’annonce comme un théâtre d’ombres, avec un Parlement privé de vote. Une situation condamnable quand on sait ce que Macron a prévu pour ses trois dernières années à la tête du pays.
dans l’hebdo N° 1807 Acheter ce numéro
Fin des vacances parlementaires lundi. L’Assemblée nationale reprend ses travaux le 29 avril avec un débat sur la politique économique du gouvernement. N’y voyez surtout aucune concession du pouvoir à la démocratie parlementaire. Un règlement européen lui fait obligation de transmettre chaque année aux instances européennes ses prévisions pluriannuelles de croissance et de trajectoire des finances publiques avant le 30 avril. Et, depuis 2011, ce « programme de stabilité » doit être communiqué deux semaines auparavant au Parlement qui en débat.
Le débat sur la politique économique du gouvernement s’annonce comme un théâtre d’ombres.
Notons que la Macronie ne se gêne pas pour prendre des libertés avec les délais légaux. Avant l’adoption en conseil des ministres, le 17 avril, de ce programme de stabilité 2024-2027, la saisine pour avis du Haut Conseil des finances publiques a été « tardive et incomplète », s’est plaint cet organisme indépendant. Plus grave, en 2022, alors qu’Emmanuel Macron était en campagne pour sa réélection, la présentation du programme de stabilité 2022-2027 avait été reportée à la fin juillet, afin de ne dévoiler le réel programme du candidat qu’une fois les élections passées.
Enfin, cerise sur le gâteau de la non-démocratie macronienne, le débat à l’Assemblée nationale ne sera suivi d’aucun vote. Ce dernier était jusqu’ici inscrit dans la loi. L’article qui l’imposait (1), et dont la Macronie s’était déjà affranchie, a été abrogé tout récemment. Pourquoi faire voter les députés quand, depuis la réélection d’Emmanuel Macron et faute de majorité au Palais-Bourbon, les lois de finances sont toutes réputées adoptées grâce au recours à l’article 49.3 ?
Art. 14 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010.
Le débat sur la politique économique du gouvernement s’annonce donc comme un théâtre d’ombres. Dommage. Car cela aurait pu être l’occasion de sanctionner l’amateurisme de Bercy : le programme de stabilité modifie en effet fortement la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques, adoptée par 49.3 et promulguée il y a moins de… quatre mois. Gouverner, c’est prévoir, mais sur la croissance comme sur les recettes, Bruno Le Maire n’avait rien vu venir. Pour autant, « on ne change pas une politique économique qui a fait ses preuves », a martelé Thomas Cazenave, son acolyte en charge des Comptes publics, devant la commission des finances.
L’accroissement du déficit en 2023 est dû, répète-t-il, a de « moindres recettes ». Macron se vantait en janvier à Davos d’avoir diminué les recettes fiscales de l’État de 60 milliards depuis 2017, mais le gouvernement n’envisage pas de changer de politique fiscale. Tout juste s’engage-t-il à travailler sur les énergéticiens et les rachats d’actions. Pour quelques piécettes, sans doute.
Ce « no vote » est surtout condamnable car, s’il n’est pas à proprement parler normatif, le programme de stabilité couche néanmoins, en 70 pages très techniques, ce que Macron a prévu pour ses trois dernières années à la tête du pays. Et ces lendemains ne chantent pas. Revenir sous les 3 % de déficit public en 2027, « supposerait un ajustement structurel massif entre 2023 et 2027 qui, selon les indications […] du gouvernement, s’appuierait essentiellement sur un effort d’économies en dépenses », écrit le Haut Conseil des finances publiques. « Un tel effort en dépenses n’a jamais été réalisé par le passé », note-t-il.
Après les 10 milliards de dépenses supprimées par décret en février, le gouvernement prévoit de trouver 10 autres milliards d’économies cette année. Toujours sans passer devant le Parlement. Et son « programme » annonce 27 milliards d’économies supplémentaires en 2025, etc. S’il voulait mettre le pays à genoux, Macron ne s’y prendrait pas autrement.
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