Emmanuel Macron et le déclin français
Emmanuel Macron s’est toujours vanté de vouloir relever la France. Il est plutôt un des responsables de son déclin. Il est temps de sortir de « l’économie vulgaire », de l’injonction à l’utilitarisme et à l’austérité.
dans l’hebdo N° 1807 Acheter ce numéro
Emmanuel Macron s’est toujours vanté de vouloir relever la France, d’abord comme rapporteur adjoint de la commission Attali « pour la libération de la croissance » (2007), comme secrétaire général adjoint de l’Élysée durant la présidence de François Hollande (2012), comme ministre de l’Économie (2014) et enfin comme président depuis 2017. Pourtant, il est plutôt un des responsables du déclin français. Depuis son élection, la croissance est en moyenne de 0,99 % (1) alors que celle de l’Union européenne, déjà très faible par rapport au reste du monde, est de 1,33 %. L’Allemagne fait pire avec 0,55 %.
Tous les calculs sont réalisés à partir des données d’Eurostat.
Sur la même période, le déficit de la balance commerciale est passé de 12,5 à 62,2 milliards d’euros, avec un pic à 102,3 milliards l’année dernière. La dette publique a augmenté de 836 milliards en passant de 100,3 % à 111,9 % du PIB. Seules l’Italie et la Grèce ont eu des situations plus dégradées. Le taux de chômage semble s’être réduit de 9,6 % à 7,6 % de la population active. Mais cela reste très relatif car, selon la Dares, les autres catégories d’inscrits à France Travail ont augmenté entre 10,84 % et 14,01 % ; les plus de 50 ans de 2,43 %, du fait des modifications des conditions d’entrée dans la retraite ; celles et ceux qui ont travaillé moins de 20 heures de 63,07 % ; l’ancienneté de chômage progresse de 8,43 % ; les radiations de 29,93 %.
L’avenir est sombre car il faudra du temps pour reconstruire tout ce qui a été détruit.
La raison principale de cette situation est ce que Karl Marx appelait l’économie vulgaire en opposition à l’économie classique d’Adam Smith, une économie qui oublie la production pour se contenter des apparences de la richesse. Les riches sous Macron n’ont jamais été aussi riches (2). Le fétichisme de la monnaie n’a jamais été aussi présent, cette croyance que la monnaie, l’argent accumulé, permet de créer la richesse future, alors qu’elle n’est que la mesure d’une richesse passée, le plus souvent spoliée.
À l’exploitation du travail il faut ajouter la spoliation de la France. Les déficits budgétaires ont desservi le pays. Le « quoi qu’il en coûte » de Bruno Le Maire est une politique structurelle du démantèlement de l’État, de l’industrie au bénéfice des plus riches (3), accélérant les inégalités et alimentant le populisme d’extrême droite.
Les milliardaires français ont-ils triplé leur fortune sous Macron, comme le dit Ruffin ?, Le Nouvel Obs, 23 juin 2022.
L’Emprise. La France sous influence, Marc Endeweld, Seuil, 2022.
Résultat, la production industrielle continue à baisser en France : la métallurgie de 20,41 %, la sidérurgie de 28,67 %, l’automobile de 9,48 %, l’énergie de 9,2 %, l’habillement de 14,26 %… La crise du covid a montré que la France était même incapable de produire des masques. L’éducation a aussi été très affectée à tous les niveaux, du collège à l’université. Les mathématiques sont même devenues temporairement optionnelles au lycée. La France a chuté dans le classement international Pisa 2022 au 23e rang alors qu’elle était 11e en 2000. Les écoles d’ingénieurs peinent à recruter de nouveaux élèves. Les universités se dégradent avec des bâtiments insalubres, une baisse des bourses de thèse. Les meilleurs étudiants et professeurs partent à l’étranger. L’avenir est sombre car il faudra du temps pour reconstruire tout ce qui a été détruit.
Sortir de l’économie vulgaire, de l’injonction à l’utilitarisme et à l’austérité, et prendre les problèmes à la racine deviennent une nécessité, sinon le déclin continuera. Le monde connaît une bifurcation tant géopolitique qu’économique. La modification des équilibres écologiques oblige à rompre avec le modèle productiviste écocide. Jamais les savoirs n’ont été aussi cruciaux à la compréhension des enjeux pour comprendre et trouver des solutions. Une connaissance au service de l’humanité et non de technologies produisant un effet rebond, amplifiant les problèmes. Des milliards d’euros ont été dépensés pour rien, il faudra les reprendre pour réorienter l’économie française vers un modèle soutenable.
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