L’épouvantail de la dette publique
Le gouvernement, obsédé par la dette, serre la vis budgétaire à tous les niveaux. L’austérité appellera plus d’austérité pour tenter, en vain, de revenir sous le seuil stupide d’un déficit de 3 % du PIB en 2027.
dans l’hebdo N° 1806 Acheter ce numéro
L’épouvantail de la dette publique est une nouvelle fois agité pour justifier le retour de l’austérité. Or l’endettement est l’acte élémentaire de tout agent économique qui emprunte auprès des épargnants ou des banques pour financer ses investissements. Sait-on que le taux d’endettement privé dépasse 160 % du PIB ? Lorsqu’un ménage qui dispose d’un revenu annuel de 50 000 euros emprunte 100 000 euros pour acquérir un logement, son taux d’endettement est de 200 %. Les mois difficiles, il subit des découverts bien supérieurs à 3 % de son revenu. Les entreprises du CAC 40 comptent elles-mêmes parmi les plus endettées pour financer leurs investissements et autres opérations de fusions-acquisitions.
L’État n’a quant à lui aucune difficulté à emprunter à des taux d’intérêt réels qui restent bas (compte tenu de l’inflation) pour payer ses échéances. Lorsqu’elles sont anticycliques, ses dépenses soutiennent la reprise, qui engendre des recettes fiscales permettant de dégonfler le stock de dette. Ainsi, le « quoi qu’il en coûte », financé à taux négatifs grâce aux programmes de rachat de dettes publique et privée par la Banque centrale européenne, a relancé une croissance atteignant 6,4 % en 2021.
Alors que le stock de dette publique culminait à 118,5 % en 2020 lors de la crise sanitaire, il se dégonflait de 6 points en un an à la suite de la relance, pour redescendre début 2022 à 112 % du PIB, avant que le gouvernement ne commette l’erreur de suspendre prématurément les mesures de soutien.
L’économie française s’éloigne désormais du plein-emploi et la conjoncture européenne est dégradée. Le retour procyclique à l’austérité entretient déjà un cercle vicieux au centre duquel moins de croissance induit moins de recettes fiscales. Celles escomptées lors de la loi de finances 2023, qui a surestimé les hypothèses de croissance, ne sont pas au rendez-vous. Le déficit public se creuse plus que prévu (5,5 % du PIB en 2023 au lieu des 4,9 % ciblés). L’austérité appellera plus d’austérité pour tenter, en vain, de revenir sous le seuil stupide d’un déficit de 3 % du PIB en 2027. La transition écologique attendra.
L’agitation anxiogène autour de la dette publique participe à l’évidence de l’entreprise de séduction du ministre des Finances, en campagne pour plaire à l’électorat conservateur, allergique à l’État. Or la conséquence des 50 milliards d’euros de baisses d’impôts obtenus par les milieux d’affaires depuis 2017 est que les recettes fiscales induites par chaque point de croissance s’amoindrissent. Les services publics étant « à l’os », il serait dès lors impossible d’épargner les plus riches de leur devoir de solidarité si le débat s’engageait sur le terrain de l’effort à consentir.
Le chef de l’État le sait et, quelle que soit l’option choisie, l’exécutif ne dispose d’aucune majorité en cas de loi de finances rectificative. D’où le « recadrage » par le président de son gouvernement, dont les membres détournent désormais le débat vers des thèmes périphériques non moins sensibles.
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