Pollueurs éternels
Une proposition de loi contre les substances chimiques « per- et polyfluoroalkylées » – PFAS – aussi appelé « polluants éternels », a été adoptée à l’unanimité. Elles sont le révélateur de deux mondes qui s’affrontent avec aigreur alors qu’elles devraient être le tournant vers une bifurcation écologique globale.
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Interdire les « polluants éternels » : après la France, l’Europe ! « Polluants éternels » : au sud de Lyon, le « scandale sanitaire » Arkema « Polluants éternels » : l’Europe sous haute contamination aux PFASPFAS. Quatre lettres encore quasiment inconnues qui décrivent ces substances chimiques « per- et polyfluoroalkylées », plus connues sous le nom de « polluants éternels ». Un nom effrayant qui a déboulé dans l’Hémicycle grâce à la proposition de loi du député écologiste Nicolas Thierry visant à interdire ces produits ultratoxiques, omniprésents dans notre quotidien. Celle-ci a été adoptée à l’unanimité malgré l’opposition du gouvernement. Soyons clairs : c’est une victoire ! Il ne faut pas la négliger tant les victoires écolos sont rares. Mais impossible d’enlever ce petit goût d’amertume, aux relents de Téflon.
Derrière cette bataille de santé publique, nous retrouvons tous les mécanismes du vieux monde qui tarde à s’effacer : le lobbying industriel, les contrevérités scientifiques et le chantage à l’emploi, au détriment de la santé environnementale. Le patron du groupe Seb, propriétaire de la marque Tefal, a clamé dans les médias que cette loi menaçait 3 000 emplois et a affrété des bus pour emmener ses salariés – incités par le syndicat FO – manifester devant l’Assemblée nationale. Une pression à l’ancienne encore très efficace : les ustensiles de cuisine ne seront pas concernés par l’interdiction qui prendra effet en 2026.
On a également vu la même stratégie de « fabrique du doute » que celle utilisée ces dernières décennies pour sauvegarder l’amiante, le tabac, les pesticides et les énergies fossiles. Cette fois encore, des industriels comme DuPont et 3M – principaux producteurs de PFAS – connaissaient la toxicité de ces substances depuis les années 1960 et l’ont sciemment tue.
« Les fabricants de ces produits chimiques ont déployé des efforts coordonnés et de très gros moyens financiers pour induire en erreur les autorités, la communauté scientifique et la population. Ils sèment le doute sur les études publiées, arguant que le consensus scientifique n’est pas établi sur les impacts sanitaires des PFAS. Ils feront pareil chez vous ! », avertit dans les colonnes de Libération l’avocat américain Robert Bilott, qui ferraille depuis vingt ans contre ces produits toxiques. Son combat contre le géant de l’industrie chimique DuPont est raconté avec brio dans le film Dark Waters, sorti en 2019.
Les PFAS sont des substances qui incarnaient le progrès du XXe siècle, et sont désormais la quintessence du scandale sanitaire du XXIe siècle.
Le député écologiste Charles Fournier en a d’ailleurs fait son conseil ciné adressé au ministre de l’Industrie, Roland Lescure, qui se targue de forger l’industrie verte à la française. Cet écolo en toc a rétorqué en toute humilité : « Moi, je crois à la science, à la loi fondée sur les faits. Je ne crois pas à la loi émotionnelle. » Or comment rester passif face à une récente étude scientifique qui révèle que des personnes exposées aux PFAS à l’état de fœtus déclarent des maladies chroniques à l’âge adulte ? Comment faire fi des taux extrêmement élevés de PFAS dans les eaux entourant les sites de production de ces substances, comme dans la vallée de la chimie, au sud de Lyon ?
Les PFAS sont des substances qui incarnaient le progrès du XXe siècle, et sont désormais la quintessence du scandale sanitaire du XXIe siècle. Elles sont le révélateur de deux mondes qui s’affrontent avec aigreur alors qu’elles devraient être le tournant vers une bifurcation écologique globale, qui ne stigmatise ni les salarié·es d’usine, ni les écologistes et les scientifiques lanceurs d’alerte. Elles tendent une perche – en inox garanti sans PFAS – pour parler de conversion écologique de l’industrie française, de dépollution, d’alternatives déjà existantes, de suivi épidémiologique des citoyen·nes contaminé·es.
L’occasion de dessiner une société future autour d’une alliance concrète entre l’écologie, la santé et le social. Si nous ne franchissons pas maintenant ce cap au nom de la lutte contre cette pollution éternelle, quand le ferons-nous ?
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