Pollution plastique : vers un traité international, enfin ?
Du 23 au 29 avril prochain, les négociateurs de 175 pays se réunissent au Canada dans le cadre de l’INC4. L’objectif : finaliser un accord contraignant pour mettre fin – à long terme – aux déchets plastiques.
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Dans la Manche, on piège, on analyse et on recycle les déchets plastiques « Le recyclage est un écran de fumée qui masque l’ampleur de la pollution plastique »Ce mardi 23 avril, l’INC (Intergovernmental Negotiating Committee) se réunit à Ottawa pour sa quatrième session de négociation d’un traité international sur la pollution plastique. Pour les négociateurs, l’objectif est de trouver un accord sur un traité à valeur contraignante sur les déchets plastiques. Car il y a urgence : il y cinq mois, les négociations de l’INC3 à Nairobi ont patiné, le manque d’ambitions concrètes frustrant les ONG. Il restera, après Ottawa, un cinquième et dernier tour de négociations en Corée du Sud, en fin d’année.
En principe, les INC sont au plastique ce que les COP sont au climat. Créées en 2022, elles cherchent à entériner un premier accord international d’ampleur réunissant les 175 pays membres. Les désaccords sont encore nombreux : les ONG préconisent une réduction de 75 % de la production pétrolière d’ici 2040, tandis que les pays producteurs de pétrole et les lobbys industriels défendent plutôt une approche axée sur le recyclage. Le ministre de l’Environnement canadien, Steven Guilbeault, indique à l’AFP vouloir « parvenir à avoir un texte avec 60 à 70 % des éléments validés » à la fin des discussions de l’INC4. Une nécessité, car les enjeux sont immenses.
Situation plastique cataclysmique
À l’échelle mondiale, la production de plastique poursuit sa course effrénée. Les projections émises par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dessinent un tableau alarmant de l’avenir si les politiques actuelles ne changent pas. Alors qu’elle a déjà doublé au cours des vingt dernières années, elle devrait tripler d’ici 2060 pour atteindre le 1,2 milliard de tonnes produites par an.
Sur l’année 2020, 80 % des plastiques consommés ont terminé en déchets en moins d’un an, dont seulement 15 % sont collectés et 9 % recyclés. Selon les projections, le taux de recyclage des déchets ne devrait pas dépasser les 12 % d’ici à 2060, à moins d’un changement significatif dans les politiques de gestion des déchets.
Sur l’année 2020, 80 % des plastiques consommés ont terminé en déchets en moins d’un an.
En matière de recyclage, la France ne fait pas figure de bon élève. Selon l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), sur les 6,45 millions de tonnes de plastiques consommées en 2020, 3,76 millions de tonnes seraient devenues des déchets : « 929 000 tonnes ont été préparées pour le recyclage (soit 24,7 % des déchets), 690 000 tonnes ont été recyclées au niveau national (soit 18,3 % des déchets) pour obtenir 440 000 tonnes de matières premières recyclées (soit 11,7 % des déchets)« , indique l’OPECST dans une note publiée en juin 2023. Le processus de recyclage s’accompagne ainsi de plus de 36 % de pertes.
Échappatoire
En parallèle des enjeux de réutilisation, la quantité de déchets plastiques qui se déversera dans les océans pourrait atteindre un pic de 20 millions de tonnes par an d’ici 2040. Côté climat, le plastique devrait contribuer de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre, représentant jusqu’à 15 % des émissions mondiales d’ici à 2050, contre seulement 3,4 % aujourd’hui. Enfin, la présence de 16 000 produits chimiques retrouvés dans les matières plastiques soulève des inquiétudes quant à leur impact sur la santé humaine, avec plus de 4 000 produits considérés comme toxiques.
On a besoin de dispositions qui s’opposent clairement aux tendances naturelles du capitalisme.
C. Sénéchal
Alors qu’attendre de ce traité ? « C’est bien d’avoir une initiative internationale. On a besoin de dispositions qui s’opposent clairement aux tendances naturelles du capitalisme, c’est-à-dire plafonner la production, mettre fin au plastique à usage unique avec des interdictions très claires », indique Clément Sénéchal, expert des enjeux climatiques.
Mais pour l’ancien porte-parole de Greenpeace, la mécanique des traités internationaux offre aux pays les plus riches une échappatoire. Elle leur permet de contourner la nécessité d’adopter des législations contraignantes sur leurs actions nationales : « Dans un premier temps, l’urgence serait d’avoir des États qui, sous la pression démocratique, prennent des mesures ambitieuses. Cela leur permettrait d’arriver dans la rade internationale avec plus de légitimité pour entraîner les États les moins allants sur ces sujets-là ».