Soutien à la Palestine : une semaine clé pour les organisations de jeunesse
Après l’occupation emblématique de Sciences Po Paris, étudiants et lycéens souhaitent multiplier les blocages d’établissements et utiliser le 1er mai comme journée de soutien massif au peuple palestinien.
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Rassembler notre camp social La leçon de morale des étudiants de Sciences Po L’horreur« Depuis octobre, on se mobilise pour les Palestiniens et on ne lâchera pas » lance un étudiant, keffieh sur les épaules, dans la foule réunie ce vendredi 26 avril devant le campus de Sciences Po Paris. Pendant plusieurs heures, tous demandent un cessez-le-feu à Gaza au cours d’une mobilisation complètement pacifiste. « Il faut que le gouvernement comprenne que plus ils répriment la jeunesse, plus on gagnera du monde dans les mobilisations » assure Hicham, un autre étudiant. En effet, ce lundi 29 avril, c’est au tour des étudiants de la Sorbonne de se mobiliser sur la question palestinienne. Très rapidement, ces étudiants sont expulsés de l’établissement et nassés aux abords de l’université. Une répression accrue et peu de soutiens politiques.
« On n’a absolument pas peur de la police et de la garde-à-vue puisque nous savons ce qu’on défend, assure Hicham, nous sommes du bon côté de l’histoire ». Sam, un étudiant en droit à Sciences Po affirme : « L’oppression attire la résistance. Dès le départ, le débat n’a pas pu être apaisé sur la question palestinienne dans notre établissement. Il fallait agir ! »
On n’a absolument pas peur de la police et de la garde-à-vue puisque nous savons ce qu’on défend.
Hicham
Dans la nuit de lundi à mardi, à leur tour, une soixantaine d’étudiants de Sciences Po du campus de Menton, spécialisé sur la région du Moyen-Orient, occupe les lieux. « Entre aujourd’hui et le week-end dernier, environ une dizaine de campus sont occupés, explique Vincent*, un étudiant de ce campus. Strasbourg, Dijon, Rennes, Grenoble, Saint-Germain-en-Laye : tous se mobilisent”. Vendredi 26 avril, c’était un étudiant du campus de Saint-Germain-en-Laye, qui, entouré de ses camarades, lançait : « Tous les Sciences Po, toutes les universités de France : il faut qu’on soit tous unis. »
Les prénoms suivis d’une astérisque ont été changés.
Les réflexions des étudiants sur le soutien des politiques sont variables. Pour les uns, il s’agit de ne pas être utilisés comme un argument électoral par la France insoumise (LFI). C’est ce que note Margot* : « Il faut du courage politique pour s’afficher en soutien, mais nous ne souhaitons pas que le moment soit catégorisé comme un moment LFI. Ça nous mènerait à notre perte. » Inès*, de son côté, « déplore qu’il n’y ait pas plus de partis politiques qui s’indignent réellement alors qu’on parle de risque génocidaire avéré (reconnu par la Cour internationale de justice des Nations unies, N.D.L.R.). Notre mobilisation sert à contraster ce qu’impose le système politique et médiatique sur la question palestinienne. »
« Il faut une grève générale »
« À Sciences Po, nous avons les caméras. Cette visibilité, il faut qu’on s’en serve, assure Quentin*, un étudiant. Mais il est primordial que les autres universités se mobilisent ». Pour Karel Talali, secrétaire générale de l’Union étudiante, « les étudiants étaient déjà mobilisés dans d’autres facs, ce n’était juste pas médiatisé ». « Aujourd’hui, tout le monde est focalisé sur Sciences Po, alors que ça fait six mois que la jeunesse se mobilise pour la question palestinienne », insiste-t-il. Néanmoins, il s’accorde à dire que l’occupation de Sciences Po Paris, la semaine dernière, permettra de plus grandes mobilisations dans tout le pays : « Le mouvement va se généraliser cette semaine, de Lille à Marseille : la jeunesse n’en peut plus de cette politique internationale du gouvernement français ».
Tout le monde est focalisé sur Sciences Po, alors que ça fait six mois que la jeunesse se mobilise pour la question palestinienne.
K. Talali
Certains syndicats étudiants ne se sont pas exprimés officiellement sur ces mobilisations. C’est le cas de la Fédération des associations générales d’étudiants (FAGE) qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, « n’ayant pas de réponse officielle pour le moment ». Une crainte subsiste toujours, notamment d’une répression des mouvements lycéens. « Vendredi, nous étions présents pour soutenir les étudiants de Sciences Po, lundi pour les étudiants de la Sorbonne » explique Gwenn Thomas Alves, président et porte-parole de l’Union syndicale lycéenne. Mais nous avons une crainte en mobilisant les lycées de provinces, puisque cela sera dix fois moins médiatisé, alors le risque de répression est plus important » dénonce-t-il. Mais il faut absolument créer un lien entre lycéens et étudiants, c’est ce que l’Union souhaite. »
Cette volonté d’unifier toutes les facultés de France et aussi une manière d’activer un mouvement étudiant plus large, comme aux États-Unis. « Ils ont peur de vous, Mai-1968, ça s’est construit avec des mouvements étudiants et anti-impérialistes », interpelle Anasse Kazib, militant SUD Rail et porte-parole de Révolution permanente. « Je ne sais pas si l’étincelle vient de Columbia (université new-yorkaise, d’où est parti le mouvement de protestations dans tout le pays, N.D.L.R.) ou de Sciences Po, mais il faut une grève générale » réclame-t-il, au milieu d’étudiants, vendredi après-midi.
« Le 1er mai sera très certainement aux couleurs de la Palestine », déclare Karel Talali, secrétaire générale de l’Union étudiante. L’association France Palestine Solidarité a déjà annoncé dans un communiqué sa présence dans le cortège parisien, entre les places de la République et de la Nation, « en solidarité avec les travailleur-ses palestinien-nes ». Le même appel est lancé par la Fédération générale palestinienne des syndicats de Gaza, notamment pour « faire pression sur les flux commerciaux et économiques qui soutiennent l’occupation militaire israélienne et l’exploitation des travailleurs Palestiniens ».
Amplification
Une date clé servant à l’amplification des mouvements étudiants. « Nous appelons toute la jeunesse à se mobiliser autour des travailleurs et travailleuses, indique Hania Hamidi, secrétaire générale de l’Unef. Les jeunes sont muselés par le gouvernement, donc évidemment ils se mobilisent pour la paix mais aussi contre la dérive autoritaire du gouvernement. » Et d’ajouter : « Le 1er mai ce n’est que le début d’une mobilisation de la jeunesse étudiante sur cette question-là, mais aussi sur toutes les autres : les Jeux olympiques, Parcoursup, Mon master, etc. », prévient-elle.
À partir du 2 mai, nous organiserons d’autres mobilisations.
Vincent
Au niveau des lycées, Gwenn Thomas Alves pense qu’il sera compliqué de mobiliser : « Nous ferons un appel le 1er mai, mais c’est toujours plus difficile de rassembler un jour férié. Et de manière générale, il est difficile de mobiliser la jeunesse car il y a un raté de notre part sur la gestion de celle-ci. Dès le début du conflit nous aurions dû nous mobiliser. » « Depuis des semaines, il y a une véritable criminalisation des étudiants qui se mobilisent pour la Palestine, dénonce, de son côté, Karel Talali, mais pas seulement, puisque des opposants politiques sont aussi criminalisés pour leur soutien à Gaza. » Il insiste : « C’est pour cela qu’il faut que cela se répande au niveau national, puisque cela ne concerne pas seulement la jeunesse. »
Pour la mobilisation des étudiants, la date clé est le 2 mai. En effet, une assemblée générale est prévue avec tous les représentants (non-officiels) des différents campus de Sciences Po Paris suite à l’occupation, rue Saint-Guillaume. L’administrateur provisoire de l’institut, Jean Bassères, dans Le Monde, a assuré que cette assemblée serait « un débat avec toutes les parties prenantes, mais ce n’est en aucun cas un face-à-face ». Quoi qu’il arrive, Vincent*, étudiant au campus de Menton, annonce : « À partir du 2 mai, nous organiserons d’autres mobilisations ». Sans perdre de vue que le mouvement de la jeunesse pour Gaza ne se résume pas à Sciences Po Paris, comme le démontre le blocage du campus de Tolbiac, ce 30 avril. Suite à un vote, les étudiants souhaitent se mobiliser dans la rue les 1er et 2 mai, pour finir sur une assemblée générale inter-fac, jeudi soir.