Le patron des Jeunes avec Macron, « au chômage pendant la campagne » avec 2 500 euros par mois

Après la diffusion d’une vidéo sur TikTok, Ambroise Méjean, candidat en 20e position sur la liste de Valérie Hayer pour les élections européennes, embarrasse un exécutif s’apprêtant à réformer une nouvelle fois l’assurance-chômage.

Nils Wilcke  • 17 mai 2024 abonnés
Le patron des Jeunes avec Macron, « au chômage pendant la campagne » avec 2 500 euros par mois
Ambroise Méjean, lors des élections législatives de juin 2022, dans la 9e circonscription du Rhône, le 10 mai 2022.
© Joël SAGET / AFP

« Mais qu’il est con ! » Ce cri du cœur d’une huile macroniste s’adresse à Ambroise Méjean. Le président des Jeunes avec Macron (JAM) – qui fait campagne pour Valérie Hayer et la liste de la majorité présidentielle pour les élections européennes où il figure à la 20e place –, fait scandale après la publication d’une vidéo sur Tiktok. Le candidat répondait à une question « Salaire VS métier », une tendance sur le réseau social, qui vise à interroger des passants dans la rue sur leur profession et le montant de leur rémunération.

À l’écran, le président des JAM déclare, avec une certaine candeur, qu’il est « au chômage pendant la période électorale » et touche « à peu près 2 500 euros mensuels », donc des indemnités versées par France Travail. La vidéo a été publiée il y a cinq jours et a depuis été relayée sur le réseau X (ex-Twitter) par @AvecLePS, un compte qui se présente comme « citoyen pour l’union de la gauche et l’union des socialistes ».

La déclaration d’Ambroise Méjean face caméra, illustre, il est vrai, le fossé entre le discours officiel méprisant porté par Emmanuel Macron et Gabriel Attal sur les chômeurs au quotidien et les petits arrangements des militants bien placés dans les formations politiques avec France Travail. Le cas Méjean n’est pas isolé. « En général, on essaye de faire en sorte que les collaborateurs ministériels puissent toucher le chômage en les gardant au moins 6 mois, même en cas de remaniement ou autre évènement », confie à Politis un conseiller en place.

La chasse au chômeurs

Pourtant, le président n’a eu de cesse de pointer du doigt les demandeurs d’emplois depuis son premier quinquennat. Dès 2018, le chef de l’État déclarait « je traverse la rue, je vous en trouve » (du travail, N.D.L.R.), à un jeune homme qui lui expliquait qu’il n’en trouvait pas dans le secteur de l’horticulture. En 2021, il menaçait de suspendre les droits de ceux « qui ne démontreraient pas une recherche active » d’emploi. En 2024, rebelote, Emmanuel Macron promet des « règles plus sévères » pour les chômeurs, après la réforme déjà très punitive d’Élisabeth Borne en 2023.

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Et ce, malgré les retours désastreux de sa précédente réforme qui a touché de plein fouet les plus précaires. Une politique aux antipodes de ses engagements électoraux de 2017, qui promettaient un droit « universel » au chômage pour tous. Avec 2 500 euros par mois, Ambroise Méjean se trouve dans la tranche très haute des indemnités versées par France Travail, leur montant moyen tournant entre 1 265 et 1 412 euros. Et encore, la moitié des demandeurs d’emploi indemnisés touchent moins de 1 101 euros par mois, selon l’organisme.

On rentre dans une zone grise, ce n’est ni légal ni illégal.

Y. Gaudin

De son côté, Ambroise Méjean est un demandeur d’emploi très actif… pour trouver un mandat électoral. Le candidat se déplace à un rythme effréné dans toute la France avant le scrutin du 9 juin : distribution de tracts, meetings, avec des déplacements quotidiens. Jugez plutôt : rendez-vous à Lyon le 14 mai, à Reims le 12 mai, en Alsace le 11 mai à Belfort pour l’inauguration d’une permanence puis à Sélestat avec l’ex-ministre du cru Brigitte Klingert. La veille, le candidat faisait campagne dans la Maison du charolais, magnifique élevage au cœur du bocage de Saône-et-Loire, avec le député local Rémy Rebeyrotte. Son activisme est-il conciliable avec les obligations qui incombent aux demandeurs d’emploi ?

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« On rentre dans une zone grise, ce n’est ni légal ni illégal. En matière de bénévolat, ce qui n’est vraiment le cas ici, l’usager doit rester disponible pour sa recherche d’emploi donc il ne peut pas consacrer plusieurs jours à 100 % sur une activité bénévole », explique à Politis Yann Gaudin, conseiller formateur indépendant pour les usagers de France Travail. Pour les salariés il existe officiellement un congé de campagne électorale qui est de 10 jours pour les élections européennes, jours non rémunérés sauf si le salarié utilise ses congés payés ».

Promotion prestigieuse et défaite cuisante

Selon le code du travail, un demandeur d’emploi peut s’absenter de son domicile habituel jusqu’à 35 jours par année civile, durée qui correspond aux 5 semaines de congés payés d’un salarié. Sauf que « cela concerne l’absence de domicile et non une indisponibilité à la recherche d’emploi pour convenance personnelle. Le candidat pourrait éventuellement arguer qu’il s’agit là d’une démarche pour un éventuel futur mandat mais quid d’un candidat qui serait, sur une liste, en position clairement inéligible ? », s’interroge l’expert. Dans un communiqué, publié notamment sur X (ex-Twitter), Ambroise Méjean se défend ainsi : « Rien ne me garantit que je sois élu le 9 juin prochain et c’est la raison pour laquelle je continue de rechercher activement un emploi. »

Car Ambroise Méjean, avant de rejoindre la campagne de Valérie Hayer comme candidat, occupait les fonctions de chef de cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher depuis août 2023. Une promotion prestigieuse pour un jeune homme de 27 ans, en forme de lot de consolation après sa défaite cuisante aux élections législatives suite à son parachutage dans le Rhône. Il avait ensuite été débarqué de ses fonctions, comme ses collègues, au moment de la nomination de Gabriel Attal à Matignon en remplacement du gouvernement d’Élisabeth Borne, comme Politis a pu en avoir confirmation d’une source au sein de l’exécutif.

« Exploitation politique »

Le président des JAM, redevenu simple militant Renaissance, entre en campagne à cette date fin février début mars, comme l’indiquent ses réseaux sociaux. Sa déclaration – devenue virale avec plus de 600 000 vues sur Tiktok – au moment où nous publions cet article, tombe d’autant plus mal que l’exécutif vient de repousser les annonces sur le nouveau tour de vis réservé aux chômeurs en raison des évènements en Nouvelle-Calédonie. Sollicité, Ambroise Méjean n’a pas retourné nos appels.

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Face aux critiques, la direction de campagne de Valérie Hayer précise que « le candidat respecte l’ensemble des obligations imposées par France Travail », sans donner plus de précisions. Ambroise Méjean dénonce « une exploitation politique » de sa situation dans son communiqué. Le candidat ne remet pas en cause les informations de Politis et affirme qu’il assiste « aux entretiens et formations en notifiant ses jours d’absence » auprès de France Travail. Sans apporter la moindre preuve de ce qu’il avance. Gabriel Attal fustige le « chômage volontaire » pour justifier une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Manifestement, il devrait en parler à son propre camp. 

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