Européennes : une campagne atone, à l’image du désintérêt des Français

Les Européens sont appelés aux urnes du 6 au 9 juin pour élire les députés qui les représenteront au Parlement. En France, alors qu’un citoyen sur deux, selon les sondages, ne se rendra pas aux urnes, la campagne peine à prendre.

Éléna Roney  • 14 mai 2024 abonnés
Européennes : une campagne atone, à l’image du désintérêt des Français
La façade du bâtiment du Parlement européen, à Strasbourg, le 8 mai 2024.
© SÉBASTIEN BOZON / AFP

Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Les candidats aux élections européennes auraient-ils fait fi de ce proverbe ? C’est en tout cas ce qui transparaît, à moins d’un mois des élections européennes où s’affronteront 23 listes françaises. À moins d’un mois du scrutin, l’ensemble des programmes n’a toujours pas été rendu public, et la campagne se fait plus que timide. « Du côté des électeurs, peu de messages politiques sont parvenus », souligne Philippe Breton, politologue et directeur de l’Observatoire de la vie politique en Alsace. Et pour cause. Bienheureux celui ou celle qui se montrerait capable d’identifier les idées fortes et les principaux enjeux qui se dégagent de cette campagne.

Il y a une désidéologisation dans le fait que le nombre d’idées se réduit dans le débat.

O. Rouquan

Ce constat s’est largement confirmé le 5 mai dernier, sur le plateau de RTL, où s’opposaient les sept principaux candidats – Jordan Bardella (Rassemblement national), Valérie Hayer (Renaissance), Raphaël Glucksmann (Parti socialiste-Place publique), Manon Aubry (La France insoumise), Marie Toussaint (Les Écologistes), François-Xavier Bellamy (Les Républicains) et Marion Maréchal (Reconquête !). Entre deux invectives, et des candidats se coupant sans arrêt la parole, « on était bien en peine de dégager trois enjeux européens », asserte Philippe Breton, qui illustre son propos en prenant le cas du Rassemblement national : « Il n’y a pas de débat, pas de proposition, pas de campagne. »

Absence d’idées…

Olivier Rouquan, politologue et chercheur associé au Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (CERSA), analyse : « Il y a une désidéologisation, pas seulement au sens premier du terme d’idéologie, mais aussi dans le fait que le nombre d’idées se réduit dans le débat. »

Les Français sont donc témoins d’une campagne atone et vide d’idées, qui ne trouve pas de résonance. Côté politique, les causes en sont multiples. En premier lieu, les différents partis et personnages politiques manifestent un certain désintérêt pour ces élections. Preuve en est : le choix fait pour les différentes têtes de liste, presque toutes inconnues du grand public. « Ce sont des seconds couteaux, pas les meilleurs éléments des partis politiques qui sont envoyés pour mener la campagne européenne », explique Philippe Breton.

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Olivier Rouquan renchérit en prenant l’exemple de Renaissance : « Il y a un vrai manque de charisme politique chez Valérie Hayer, et les notoriétés de la majorité sont obligées de venir à la rescousse en bas de liste pour qu’on commence à parler du parti. » Par ailleurs, les questions politiques qui pourraient intéresser, à l’image de celles des normes environnementales, sont, quant à elles, éludées. Il y a quelques semaines encore, elles étaient pourtant au cœur du débat public, en raison de la mobilisation massive des agriculteurs dans l’ensemble de l’Hexagone.

… et manque de pédagogie

Côté électeur, ce désintérêt peut être relié à plusieurs facteurs. Historiquement, les Français ne sont jamais apparus comme des grands fans des élections européennes. Depuis les années 2000, l’abstention oscille entre 50 et 60 %. La cause ? Une absence de connaissance sur l’Union européenne. Pour Olivier Rouquan, « il y a un vrai manque de pédagogie de la part des élus et des candidats quant au fonctionnement de l’Union européenne. Il y a une véritable difficulté à faire comprendre le domaine de compétence et la façon dont marche l’Union européenne. Le citoyen lambda serait d’ailleurs bien en peine de citer deux ou trois députés européens sortants. »

Pour occuper le terrain, il faut des militants. Or même eux ne semblent pas très intéressés.

P. Breton

Car la majorité des candidats et des élus européens sont aux abonnés absents quand il s’agit d’aller sur le terrain – quand ils ne sont pas absents tout court au Parlement européen, à l’image de Jordan Bardella. D’autant que « pour occuper le terrain, il faut des militants. Or même eux ne semblent pas très intéressés par les élections européennes », observe Philippe Breton. Par ailleurs, difficile de susciter l’intérêt des électeurs français quand leurs principales sources de préoccupations sont l’inflation, la pauvreté et les inégalités. Des questions qui ne font pas partie du domaine de compétence de l’UE.

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Ces dernières années, les candidats misent de plus en plus sur des campagnes dites « éclairs », pariant sur le fait que tout peut se jouer sur la dernière ligne droite. Celle-ci pourrait-elle bénéficier d’un coup de boost ? Pas si sûr, selon Olivier Rouquan : « Une campagne en quinze jours peut cristalliser un peu, il faudrait un ou deux évènements, notamment géopolitiques, et cela pourrait changer la donne. Le contexte d’insécurité très fort, que cela soit en Ukraine ou à Gaza, et la tournure que cela pourrait prendre dans le débat public, pourrait pousser des électeurs à aller voter. »

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