Une ère sombre pour l’Europe
Aux Pays-Bas, la droite a signé un accord de gouvernement avec Geert Wilders. Six pays de l’UE sont désormais gouvernés par une coalition incluant l’extrême droite ou soutenue par elle. Il y a matière à s’inquiéter.
dans l’hebdo N° 1811 Acheter ce numéro
Six mois après des législatives anticipées, les Pays-Bas n’ont pas encore de gouvernement, mais ils ont un accord de coalition autour de l’extrême droite. Le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders, allié de Marine Le Pen au Parlement européen et grand vainqueur des élections du 22 novembre, est parvenu à rallier sur un texte les libéraux-démocrates du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), les démocrates-chrétiens du Nouveau Contrat social (NSC) – un parti créé en août 2023 – et les populistes agrariens du Mouvement agriculteur-citoyen (BBB). Signé le 16 mai, ce texte annonce vouloir « renverser l’afflux trop important de réfugiés et d’immigrants » et redonner « un futur » aux agriculteurs et aux pêcheurs.
Cette coalition porte à six le nombre de pays de l’Union européenne ayant un gouvernement de coalition droite-extrême droite ou soutenue par elle.
Si Geert Wilders a dû renoncer à certaines mesures de son programme comme celles visant spécifiquement les musulmans, ou encore un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne (UE), l’accord détaillé par Libération porte clairement sa marque. Sur l’asile et les réfugiés, nombre de mesures dérogent aux règles européennes. Les réfugiés ukrainiens ne sont pas épargnés. Sont également visés les étudiants étrangers et les travailleurs étrangers, y compris européens, dont l’embauche devrait être limitée.
L’environnement est l’autre victime de cet accord avec la suppression des mesures diminuant l’élevage, responsable de « la crise de l’azote », la réduction des taxes sur le carburant agricole, le relèvement de la vitesse sur les autoroutes, la fin des subventions à l’achat de véhicules électriques ou des dispositions en faveur des foyers ayant investi dans l’énergie verte.
L’extrême droite pourrait bien ne plus être infréquentable dans les plus hautes instances européennes.
Cette coalition porte à six le nombre de pays de l’Union européenne ayant un gouvernement de coalition droite-extrême droite (Hongrie, Italie, Slovaquie, Finlande) ou soutenu par cette dernière (Suède). Jusqu’ici, les alliances étaient conclues par des partis conservateurs membres du Parti populaire européen (PPE) et des formations nationalistes siégeant au Parlement européen dans le groupe Identité et démocratie, avec le Rassemblement national, ou dans celui des Conservateurs et réformistes européens (ECR), avec Fratelli d’Italia. Mais aux Pays-Bas, le VVD, le parti de gouvernement – au pouvoir depuis 2010 – qui a contracté avec Geert Wilders, est membre du groupe Renew Europe, celui des macronistes. C’est un peu comme si, en France, Renaissance décidait de se maintenir au pouvoir dans les wagons du RN.
Renversement
Face à cette alliance, la tête de liste des macroniens, Valérie Hayer, s’est contentée de communiquer sa « désapprobation totale ». « La compromission avec l’extrême droite n’est pas acceptable », a-t-elle déclaré. Mais pour décider de l’éventuelle suspension ou exclusion du VVD du groupe Renew Europe, qu’elle préside, il faudra attendre. Elle ne prévoit de réunir l’ensemble des partis membres que le 10 juin, au lendemain des européennes.
D’ici là, l’extrême droite pourrait bien ne plus être infréquentable dans les plus hautes instances européennes. Le 29 avril, lors d’un débat à Maastricht entre les candidats des différents partis européens à la présidence de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (PPE) s’est dite prête à collaborer avec l’ECR, soutenu par Giorgia Meloni, pour obtenir un second mandat à ce poste. « Cela dépend beaucoup de la composition du Parlement et de qui fait partie de quel groupe », a-t-elle osé. Alors que le PPE et les socialistes européens gouvernent de concert le Parlement européen et l’UE depuis 1979, un tel renversement d’alliance serait lourd de conséquences : il ouvrirait une ère sombre pour l’Europe.
L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don