« Avec ce qu’il se passe en Palestine, je ne peux pas ne pas voter »
Ce 28 mai au soir, des milliers de personnes, dont une majorité de jeunes, se sont réunies place de la République en soutien à la Palestine, avant de se retrouver pour certain·es au « Manifestival » organisé par Louis Boyard. Sébastien Delogu, le député ayant brandi un drapeau palestinien à l’Assemblée, y est apparu.
Comme la veille place Saint Augustin, des milliers de personnes se sont rassemblées mardi 28 mai à 18 h 30, place de la République à Paris, pour soutenir les Palestinien·nes suite aux frappes israéliennes qui ont touché le camp de déplacé·es de Rafah, provoquant la mort d’au moins 45 personnes. Sous le ciel gris et la pluie, les manifestant·es scandent en chœur : « Enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine », « Israël assassin, Macron complice », ou encore « Free, free Palestine ! »
Malgré quelques têtes grisonnantes au milieu de la foule, ce sont majoritairement des jeunes qui se sont retrouvés pour demander un cessez-le-feu à Gaza, et pour que le président Macron reconnaisse l’existence d’un État palestinien. Un sujet qui mobilise donc la jeunesse à moins de deux semaines des élections européennes.
Avant je m’en foutais des élections européennes.
Julien
Astrid, militante au Poing levé (Révolution permanente), raconte : « J’avais déjà l’intention de voter aux élections européennes car je suis militante. Mais là, avec ce que vivent les Palestiniens, j’ai d’autant plus envie de me mobiliser. » Elle ajoute : « Dans mon entourage il y a beaucoup de personnes qui ne comptaient pas voter et qui ont changé d’avis du fait du conflit israëlo-palestinien. » C’est, par exemple, le cas de Julien, quelques rangs plus loin. Ce vingtenaire, serveur dans un bar, et issu des quartiers populaires, explique : « Avant je m’en foutais des élections européennes. Mais avec ce qu’il se passe en Palestine je ne peux pas ne pas voter. Il faut se mobiliser. »
C’est au milieu de ces jeunes, ces slogans et de nombreux drapeaux palestiniens flottant au gré du vent, qu’arrivent Jean-Luc Mélenchon et de nombreux·euses député·es de la France insoumise, à l’image de Manuel Bompard, Rachel Kéké, Louis Boyard ou encore Sébastien Delogu. Ce dernier est acclamé par la foule, en raison de son intervention à l’Assemblée l’après-midi même, où il a brandi le drapeau palestinien, lui valant une suspension de deux semaines, et la suppression de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois.
« Allez leur dire d’aller voter le 9 juin »
Accompagné de son service d’ordre, le député insoumis des Bouches-du-Rhône s’élève au-dessus des manifestant·es, au pied de la statue. « Vous avez vu que tous les mardis mon parti a posé une question au gouvernement pour interpeller sur ce qu’il se passe en Palestine »,commence-t-il, sous les acclamations du public. « Le fait de brandir le drapeau palestinien à l’Assemblée nationale, ce haut lieu de la République française, était pour moi important parce qu’il faut que le président de la République reconnaisse l’État palestinien », poursuit-t-il. « Allez voir vos voisins, allez voir vos familles, allez voir les personnes que vous connaissez au travail, allez leur dire d’aller voter le 9 juin », scande Sébastien Delogu, peu avant de partir à la rencontre de la foule et de la presse.
Tenter de mobiliser pour les élections européennes, c’est également le pari qu’a fait Louis Boyard ce 28 mai – visant tout particulièrement la jeunesse – en lui donnant rendez-vous à un « Manifestival », le long du canal Saint-Martin. « Au programme, de la politique avec Louis Boyard et de la musique avec des DJ Set. La Macronie veut faire taire la jeunesse et lui inflige précarité, nous faisons la démonstration qu’elle ne se taira pas, la jeunesse a le droit d’être heureuse ! » peut-on lire sur le site de la France insoumise consacré aux élections européennes. Initialement prévu à 20 heures, l’événement est retardé d’une heure au vu du rassemblement.
C’était une manière de leur dire vous voulez invisibiliser la cause ? Très bien, on brandit un drapeau.
S. Delogu
C’est quasiment main dans la main que Louis Boyard et Sébastien Delogu s’y rendent, un peu avant 21 heures, encourageant les personnes présentes sur la place à les suivre. Un petit groupe d’une cinquantaine de personnes s’élance alors à la suite des deux députés, brandissant fièrement leurs pancartes et leurs drapeaux palestiniens.
Mobilisation de la jeunesse
Sur place, une cinquantaine de personnes attendent avec impatience le jeune député de 23 ans, la plupart une bière à la main. « On est là pour faire entendre notre voix », affirme Thomas, étudiant en philosophie à Paris. Le DJ set est en place et derrière les platines, l’artiste Tata 2 Gauche appelle à applaudir les deux hommes qui le rejoignent sur scène. Face à deux cents personnes tout sourire et concentrées, Louis Boyard s’écrie : « Aujourd’hui est une journée d’imprévus, je n’étais pas au courant du sacrifice de mon collègue pour la cause [palestinienne]. Du bruit pour Sébastien Delogu ! »
Ce dernier relaie le jeune député : « Cette façon d’arriver à l’Assemblée nationale et de brandir le drapeau palestinien, ce n’est pas anodin. C’était une manière de leur dire vous voulez invisibiliser la cause ? Très bien, on brandit un drapeau. » Il est acclamé par les fêtard·es. « J’ai pris deux semaines d’exclusion et je ne sais pas combien de milliers d’euros d’amende, franchement par rapport à ce qu’il se passe de l’autre côté de la Méditerranée, je m’en fous complet », assure-t-il.
Nous on est fiers de défendre la jeunesse. Le 9 juin prochain, on compte sur vous pour aller voter !
M. Aubry
Louis Boyard poursuit : « Je vous parle comme un jeune de 23 ans parce que comme vous je suis stressé par l’avenir. (…) Aujourd’hui, en 2024, on voit un génocide, le retour des guerres, le dérèglement climatique. » Il conclut : « Restez optimistes, n’arrêtez jamais de lutter, parce que je suis certain que vous êtes la génération qui va tout changer. » Les deux députés quittent alors la scène, non sans avoir fait plusieurs selfies et vidéos avec le parterre. La fête commence et les basses résonnent fort sur le quai Valmy.
Au bout de plusieurs minutes, la musique s’estompe quand arrive Manon Aubry, tête de liste LFI pour les élections européennes. Le public s’en donne à cœur joie, en interpellant : « Manon, Manon. » Entre Sébastien Delogu et Louis Boyard, elle clame : « Vous êtes chauds Paris ? Si vous êtes aussi chauds le 9 juin c’est bon on a gagné ! (…) Nous on est fiers de défendre la jeunesse. (…) Le 9 juin prochain, on compte sur vous pour aller voter ! »
« Ce qui nous touche en tant qu’étudiants, c’est de voir la réalité des étudiants là-bas »
Sur le quai en face, la jeunesse se mobilise également en s’élançant dans les rues de Paris, au son de « Viva, viva Palestina » et autres slogans. Camille, étudiante en sciences environnementales, explique : « Depuis ce qu’il s’est passé à Rafah il y a un mouvement encore plus général pour dire que c’est inhumain ce qu’il se passe en Palestine. Ce qui nous touche en tant qu’étudiants, c’est de voir la réalité des étudiants là-bas. Et le mouvement décolonial je pense que c’est une chose à laquelle beaucoup d’étudiants se raccrochent, et ça tu le vois dans les manifs, il y a énormément de jeunes. »
Elle renchérit : « Je voulais déjà voter aux élections européennes, Palestine ou pas, il n’y avait pas de doute là-dessus. Si la question palestinienne permet aux gens de davantage se mobiliser, c’est génial, même si le positionnement des députés européens sur la question devrait être plus clair. »
La manifestation spontanée, composée de plusieurs centaines de personnes, déambule pendant plusieurs heures pacifiquement, navigant entre les 10e et 18e arrondissements, en passant par la gare du Nord, la porte de la Chapelle ou encore au pied du Sacré-Cœur. Elle est submergée à plusieurs reprises par des nuages de gaz lacrymogène, lancé par les forces de l’ordre, sans pour autant décourager les manifestant·es, acclamé·es à de nombreuses reprises par des personnes à leurs fenêtres, et klaxonné·es joyeusement par des automobilistes.
Aux alentours de minuit, ils étaient toujours nombreux à marcher dans les rues de la capitale, en scandant « Palestine vivra, Palestine vaincra ».