« Nous, psychologues, professeur·es et étudiant·es en psychologie, refusons que notre discipline soit instrumentalisée à des fins transphobes »

TRIBUNE. Plus de 1 000 psychologues, psychiatres, psychanalystes, profs et étudiants en psychologie s’opposent à la proposition de loi des Républicains sur l’interdiction des transitions pour les mineurs et défendent l’autodétermination des personnes trans.

Collectif  • 13 mai 2024
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« Nous, psychologues, professeur·es et étudiant·es en psychologie, refusons que notre discipline soit instrumentalisée à des fins transphobes »
Manifestation contre la transphobie et les agressions transphobes, place de la République à Paris, le 5 mai 2024.
© Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

La proposition de loi des Républicains récemment déposée au Sénat se propose d’« encadrer les pratiques mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre », en interdisant toute transition médicale des mineur·es trans (bloqueurs d’hormones, hormones de remplacement et opération), mais également toute transition sociale au profit d’une approche centrée sur des « soins psychiques ». Le projet de loi menace également d’une amende de 30 000 euros et de deux ans d’emprisonnement tous·tes les professionnel·les de santé qui mettraient en place de tels soins.

Quelques médecins et psychologues servent de caution scientifique à cette proposition de loi réactionnaire. Avant le dépôt de la proposition de loi, un rapport, « La transidentification des mineurs » a été publié par un groupe de sénateurs Les Républicains. Celui-ci s’appuie sur 67 spécialistes auditionné·es… pour la plupart membres d’un large réseau antitrans international. Au moins une dizaine représente l’Observatoire de la petite sirène, association issue de La manif pour tous qui fait du lobbying contre les droits de personnes trans auprès de médecins et d’élu·es.

Sur le même sujet : « Attaques contre les droits trans et reproductifs : n’attendons plus, faisons front ! »

Cette association revendique « une approche psychothérapeutique qui soutient la personne dans l’acceptation de son sexe biologique comme le traitement de première intention le plus adapté aux jeunes qui présentent des souffrances liées au genre », autrement dit défend les thérapies de conversion comme traitement de première intention pour les personnes trans. Le rapport des Républicains comporte pour sa part un appel à remettre en question le droit de transitionner avant 25 ans, « le cerveau continuant d’évoluer jusqu’à 25 ans » et préconise d’interdire d’utiliser un prénom d’usage à l’école pour des motifs de « neutralité dans les services publics ».

Il n’est ici absolument pas question de ‘protection de l’enfance’.

Il n’est ici absolument pas question de « protection de l’enfance » : toutes ces mesures ne visent qu’à rendre la vie plus difficile aux mineur·es trans. Il s’agit en réalité d’une offensive idéologique cherchant à empêcher une population marginalisée d’accéder aux soins sous fond d’attaques généralisées sur le système de santé.

Sur le même sujet : Face au déferlement transphobe, la riposte se construit

Ces prises de position ont des répercussions concrètes sur la vie des personnes trans : de nouvelles violences dans leur parcours, qui augmentent considérablement les risques de suicide. Comment la répression de l’expression de genre peut-elle s’ériger en psychothérapie, alors que les chiffres sur le suicide et la santé mentale des personnes trans sont inversement corrélés avec leur possibilité de transitionner ? En tant que professionnel·les ou futurs professionnel·les de la santé et de la santé mentale, nous pensons qu’il est nécessaire de laisser chacun·e pouvoir explorer librement son identité de genre. Nous considérons que notre rôle en tant que soignant·e est d’accompagner les personnes qui en font la demande, et non de déterminer quel doit être leur genre.

Nous considérons que notre rôle est d’accompagner les personnes qui en font la demande, et non de déterminer quel doit être leur genre.

Nous ne pouvons rester silencieux·ses pour des motifs de neutralité quand, en face, une rhétorique proprement politique instrumentalise nos disciplines pour orchestrer des campagnes de haine partout dans les médias et avancer un agenda réactionnaire.

C’est pourquoi nous voulons faire entendre une autre voix en affirmant notre solidarité pleine et entière avec les personnes trans et en nous opposant à cette instrumentalisation de nos disciplines à des fins transphobes. Nous revendiquons au contraire l’accès aux bloqueurs d’hormones et l’accès à tous les soins de transitions selon le principe du consentement informé des patient·e·s pour toutes les personnes trans. Nous revendiquons également des moyens massifs dans la santé et une formation adaptée pour tous·tes les soignant·es afin de permettre une prise charge effective et respectueuse des personnes trans.

Pour signer la tribune, vous pouvez remplir ce formulaire jusqu’au 17 mai, à l’occasion de la Journée Internationale contre l’homophobie et la transphobie.


Premiers signataires

  • Agnès Condat, Psychiatre, Psychanalyste, Docteure en neurosciences
  • Agnès Dantagnan, Psychologue
  • Anne Mercier, Psychologue clinicienne en pédopsychiatrie
  • Association Queer&Care
  • Association pour le Soin Queer et Féministe (ASQF)
  • Association Française du Psychotraumatisme et de la Résilience
  • Aymeric Parant, Maître de conférences en psychologie sociale
  • Baptiste Lignier, Psychologue clinicien, Maître de Conférences en Psychopathologie Clinique, Université de Bourgogne
  • Beatriz Santos, MCF au Département Etudes Psychanalytiques, Université Paris Cité
  • Benjamin Le Hénaff, Maître de conférences en psychologie sociale, Université de Franche-Comté
  • Camille Sanrey, Docteure en psychologie, maîtresse de conférences, Université de Strasbourg
  • Camille Vansimays, Maître de conférence en psychopathologie et psychologie clinique à l’Université Paris 8 Vincennes Saint Denis, psychologue clinicien et psychothérapeute
  • Charles-Henri Hernu, Psychiatre
  • Chrystelle Lagrange, Docteure en psychologie
  • Claire Mestre, Psychologue clinicienne, CHU Bordeaux
  • @doumchl, Etudiante en psychologie et créatrice de contenus
  • Éliot Sévricourt, Psychologue au Centre LGBTI de Normandie
  • Elodie Meyer, Psychologue du développement
  • Fanny Poirier, Psychologue clinicien
  • Grégor Mamou, Pédopsychiatre pour adolescents
  • Hélina Kaya Lefèvre, Docteure en psychologie, psychologue, enseignante en psychologie
  • Jean Chambry, Psychiatre d’enfants et d’adolescents
  • Jule Deltour, Doctorant en psychologie interculturelle, UT2J
  • @lapsyrevoltee, Psychologue clinicienne
  • Laurie Laufer, Psychanalyste et autrice
  • Léa Sigal, Cheffe de service hospitalier
  • Loriane Bellahsen, Psychiatre et psychanalyste, collectif Psychanalyse et révolution
  • Lucia Meden, Étudiante en M2 de Psychologie et élue du Poing Levé à l’Université Paris Cité
  • Mathieu Bellahsen, Psychiatre et auteur, collectif Psychanalyse et révolution
  • Matthias Lebreton, Psychologue du développement de l’enfant et de l’adolescent
  • Mila Signorelli, Psychologue clinicienne – CMPP Pichon Rivière
  • Myriam Pannard, Maîtresse de conférences en psychologie sociale de la santé, Université Lyon 2
  • Morgan N. Lucas, Psy engagé, auteur, formateur
  • Nicolas Mendes, Docteur en psychologie, Psychologue clinicien
  • Nicolas Rabain, Maître de conférences
  • Niloufar Forno, Psychologue
  • Olivier Brisson, Psychomotricien, auteur de « Pour une psychiatrie indisciplinée »
  • Olivier Ouvry, Psychiatre
  • Pascale Molinier, Professeur de psychologie
  • Remy Le Coze, Psychologue/psychothérapeute Hôpital Cochin, AP-HP
  • Silvia Lippi, psychanalyste, psychologue hospitalière
  • Sophie Pires, Psychologue clinicienne, membre du CA de l’ASQF
  • Stéphanie Barbu, Enseignante-chercheuse
  • Sylvie Dalnoky, Psychologue – ASQF
  • Thamy Ayouch, Professeur des Universités, psychanalyste
  • Vincent Angel, Enseignant-Chercheur en psychologie, Université de Bordeaux

Retrouvez l’intégralité des signataires ici.

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