Ne sommes-nous pas des femmes ?
L’actrice Nadège Beausson-Diagne, qui a lancé le #Memepaspeur dans le cinéma africain, raconte les violences sexuelles subies en tant que femme noire dans un État raciste et patriarcal et interpelle les féministes blanches sur l’invisibilisation de ces vécus.
dans l’hebdo N° 1809-1810 Acheter ce numéro
Dans le même dossier…
Violences sexistes et sexuelles : encore un effort, la gauche ! Tarana Burke, Me Too avant #MeToo Handicap : ces violences sexuelles qu’on ne saurait voirPansement sur les plaies à vif des violences étatiques sur mon corps de Femme noire
Les larmes en sulfateuse transformer ma colère
En feu
En joie
En demain
Parole pas libérée arrachée depuis des années de ma gorge endolorie de rabâcher
L’indicible
Au vent de mes traumas mon « Je » organique et structuré
Devenue sujet politique pour m’affranchir
Mon corps noir depuis des générations
Hypersexualisé
Exploité
Déplacé
Colonisé
Esclavagisé
Ordre patriarcal capitaliste suprémaciste blanc raciste aux aguets
Misogynoir en embuscade
J’ai dit
J’ai été violée nourrisson
J’ai été violée enfant
J’ai été violée adolescente
J’ai été violée adulte
J’ai été agressée sexuellement récemment
À l’initiative du #MeToo dans le cinéma africain
#MêmePasPeur
Depuis 2019 ma pensée politique sur les violences sexuelles
Sur la pédocriminalité
J’ai dit
Enfant intérieur qui hurle la nuit
Hypervigilance
Hyperacousie
Destruction massive bien organisée de mon Être
Dégoût permanent de ce corps devenu ennemi
Tentatives de suicide
Nuits d’insomnie
J’ai dit
Transformé l’horreur du monde
Instinct de survie hors norme
Caisse de résonance des violences patriarcales
J’ai dit
Et pourtant
Invisibilisée suis
Niée suis
Absente des médias mainstream
Oubliée du féminisme blanc mainstream
Reflet du miroir déformant de notre société qui s’évertue à ne pas réfléchir la question des inégalités
Ma parole
Nos paroles
Effacées de l’histoire
Développer des stratégies de survie quand mon nom n’est pas cité
Quand des propos racistes sont banalisés
Quand je ne suis pas conviée aux anniversaires #MeToo
De la violence sur la violence
Répétition à l’infini des réminiscences des traumas
Méandres du chaos digéré de la triple peine
À l’intersection de mes oppressions
Injonction de la fermer aux survivantes racisées des violences systémiques
Cher le prix à payer pour nos âmes précarisées
Pour l’impertinence de ma liberté
Blacklistée
Menacée
Isolée
Dans les affres du backlash de la douceur
De féministes noires
De féministes racisées
De féministes LGBTQIA+
De féministes en situation de handicap
Peu de féministes blanches mainstream
Chère féministe blanche
Quand dans la pièce tu es invitée fruit de tes luttes gagnées tu es privilégiée
Tu as une responsabilité politique
Tu verras peu de femmes racisées je suis convaincue que tu ne veux pas être complice du patriarcat blanc capitaliste qui favorise la négation de nos corps de survivantes
Tu es une survivante
Tout est un tout
Ne deviens pas complice de l’effacement de nos corps racisés
De nos récits de femmes racisées
De la violence sociétale de l’ordre mortifère
MeToo mondial
Qui apaise
Rassemble
Volonté de dépolitiser le continuum des violences sexuelles fruit de dominations
Survivantes dans la société qui voulait tuer nos corps
Survivantes à l’effraction de nos âmes
Survivantes à la domination
Nos corps deviennent le monde
Voix en harmonie sans changer la tonalité des différentes oppressions pour un langage commun
Ne reproduis pas ce système de dominations
Faire solidarité
Ma sœur noire
Sœur racisée
Ma joie politique comme réparation
En transpiration par tous les pores de ma peau
Ma joie dans la poubelle de leur fucking diversité
Je te crois
Je suis désolée pour toi
Tu n’es pas seule
Ce vent sur ta joue comme début d’un tout
Souffle de vie réinventée
Ressuscitées des entrailles de leur merde
Résistantes par notre sororité
Armée de résilientes
Point d’injonction
Tu es ta priorité
Pour te reconstruire
Pour déminer le champ des violences du passé
Espace de soins comme réconfort poétique
Pour Nous
À nos âmes qui hurlent
Renaissance dans nos chairs
Faisons fi de nos peurs
Je hais l’hypocrisie sociétale qui remet des bons points à certaines féministes tout en laissant à la marge les plus précaires
Je hais cet espace où ma parole est jetée dans les déchets de leur cynisme
Je hais que l’on m’oblige inlassablement à dire que j’existe que nous existons que nos voix comptent
En résistance je pars
Ma poésie comme réalité
Je reprends le pouvoir
En résistance ma vie
Mon corps tant piétiné
Aujourd’hui relevé
En résistance mon rire
Je chie sur le paillasson de vos miettes de considération
Je gueule pour les futures générations
En résistance
Fatiguée par moments
Désespérée par moments
Battements de mon cœur en percussion pour la lutte
Je prends mes larmes pour la Révolution
Empathie des survivantes
Des guerres dans le corps
Je ne savais même pas que j’existais
Femme Debout
Je suis vivante
Alors
Ne sommes-nous pas des Femmes ?
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