« Ambiance argile », échappées belles

L’atypique groupe lyonnais L’Étrangleuse gagne encore en éclat aventureux sur son nouvel album, petit bijou de rock en liberté.

Jérôme Provençal  • 5 juin 2024 abonné·es
« Ambiance argile », échappées belles
© Bertrand Gaudillère - Collectif ITEM

Ambiance argile / L’Étrangleuse / La CurieuseCompagnie 4000 / Inouïe Distribution. En concert le 13 juin à la librairie Muses, Tournon (07), le 23 juin au Maquis, Dijon (21).

L’Étrangleuse a pris forme lorsque Mélanie Virot (harpe, voix) et Maël Salètes (guitare, voix) – elle venant de la sphère classique contemporaine, lui du milieu rock indépendant – ont décidé de nouer leurs cordes vocales et instrumentales pour tendre ensemble vers d’autres horizons. « J’avais joué pendant treize ans dans un groupe de rock et j’avais l’impression d’avoir épuisé la formule guitare-basse-batterie, raconte Maël Salètes. J’avais vraiment envie d’explorer de nouveaux territoires. Pour parvenir à me renouveler en tant que guitariste, je devais changer de contexte, et le dialogue avec la harpe m’a semblé offrir un biais idéal. Mélanie et moi avons effectué nos premières tentatives musicales durant l’été 2008. »

Assez rapidement, le musicien a incorporé un autre instrument, le djéli n’goni (sorte de banjo malien), utilisé avec diverses pédales d’effets, ce qui a apporté d’autres (vives) couleurs venues d’ailleurs à la palette insolite de L’Étrangleuse. En duo, le groupe a sorti trois superbes albums : L’Étrangleuse (2012), Memories to Come (2015), Dans le lieu du non-où (2019). Dans la veine d’un folk-rock fugueur fortement coloré de blues africain électrifié, il donne à entendre des chansons – en français ou en anglais – hybrides et intrépides, drôlement subjuguantes.

Post-punk nomade

Conçu entre le printemps 2020 et janvier 2024, le quatrième album, Ambiance argile, a été enregistré à La Baume-Cornillane, petit village de la Drôme, dans le studio-maison de l’ingénieur du son Johan Caballé, expert en musiques affranchies. L’Étrangleuse y apparaît sous la forme d’un quatuor, à la suite de l’arrivée de deux nouveaux membres : Léo Dumont (batterie, voix) et Anne Godefert (basse, voix). L’adjonction de cette section rythmique accentue la dynamique du groupe et entraîne souvent celui-ci vers un post-punk nomade et impétueux à la The Ex.

Son intrinsèque étrangeté se révèle ainsi encore plus percutante au fil des dix chansons d’Ambiance argile, toutes en français. Les paroles de deux d’entre elles – l’ardente « Les Pins » et la minimaliste « Oh mais il n’est pas de mort », presque a cappella – se basent sur des poèmes de Srečko Kosovel (le « Rimbaud slovène », mort à 22 ans en 1926, laissant une « œuvre fulgurante, d’une grande modernité », nous dit Maël Salètes). « Le Remède », obsédante ritournelle bipolaire, « Ironie du sort », électrisante comptine sous-marine sous amphétamine, « Ambiance argile », saisissante évocation en crescendo d’un monde menacé, se détachent aussi de l’album qui s’achève avec « État normal », au titre évidemment trompeur.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Musique
Temps de lecture : 2 minutes